La pratique chamanique
Être relié aux ressources du vivant
Extrait du livre : l’Approche Chamanique de la Thérapie
Aux quatre coins de la planète, tous les peuples premiers, bien qu’éloignés les uns des autres, avaient ce point commun d’être en lien avec l’ensemble du vivant, non pas seulement avec les éléments visibles de la nature mais aussi avec l’intelligence à l’œuvre derrière toute création.
Pour eux, être vivant signifiait d’abord être relié, aussi bien aux autres règnes – minéral, végétal, animal – et entre humains que dans la connexion aux plans invisibles. Ils se sentaient eux-mêmes une partie du Grand Tout, comme l’un des membres d’un corps beaucoup plus vaste ; ils se savaient non pas supérieurs mais complémentaires aux autres. Ils avaient conscience que leur survie et leur équilibre dépendaient de leur lien à l’environnement visible et invisible, que tout est inter-relié, qu’un système ne peut vivre seul, sans échange avec les autres.
Les rites et les cultures étaient différents, mais partout dans le monde, les peuples premiers percevaient l’existence d’une intelligence créatrice du monde : le Grand Esprit. De cette source universelle émergent des champs vibratoires différents qui se matérialisent ensuite en entités spécifiques : une fleur, l’eau, un pays, un projet, etc. Plus on honore, plus on offre de l’attention à un Esprit, plus il prend forme et vie. Les esprits sont l’essence invisible de la nature, c’est la source vitale et intelligente qui anime toute chose et avec laquelle on peut communiquer en état de conscience chamanique. C’est ce qui informe et donne forme à la matière. Exprimé en langage d’aujourd’hui, l’esprit d’une espèce est la source d’intelligence créatrice de cette espèce ou de son champ morphogénétique.
Par exemple, c’est à l’esprit des Plantes que l’on fait appel en homéopathie ou dans les élixirs de Bach. Dans ce cas, ce ne sont pas les substances physiques des plantes qui sont utilisées pour soigner, mais leurs qualités énergétiques qui sont transmises à la personne pour lui apporter une information ou activer une ressource en elle. Les lieux de nature, les maisons, les entreprises ont aussi leur propre esprit, qui alimente leur énergie spécifique et porte leurs qualités et leur mémoires.
Dr Olivier Chambon : « L’univers est fait de champs vibratoires. Il y a un grand champ de fond, que les chamans nomment Grand Esprit ou Mère Universelle et que certains décrivent comme étant le champ akashique. Ce champ primordial se différencie en une multitude d’autres champs, comme le font les couleurs de l’arc-en-ciel. La question est de savoir : qu’attendons-nous,-nous les humains, pour nous relier à eux ? Pourquoi nous coupons-nous de cette intelligence ? »
De tout temps et chez tous les peuples, le pouvoir était perçu dans la capacité de dialoguer avec l’intelligence invisible qui sait le lien entre les choses. C’est elle qui apporte connaissance, guidance et sagesse. C’est pourquoi les guérisseurs, voyants, prêtres et chamans avaient une forme d’autorité dans leur société.
Chaman est un terme originaire de Sibérie, utilisé communément aujourd’hui pour désigner les hommes et femmes-médecine qui assument la fonction d’intermédiaire entre l’humain et l’intelligence de l’Univers. Ils sont les gardiens de l’équilibre entre les différents mondes et systèmes, visibles et invisibles. À ce titre, ils sont censés être au service de la nature, des hommes et de la société et non pas dans une recherche charismatique de pouvoir. Leur responsabilité est importante, que ce soit pour apporter la guérison ou dans leur rôle de médiation ou de conseil pour les hommes et les femmes et l’équilibre de la communauté. En utilisant différentes approches selon les traditions, les chamans peuvent réparer les fils qui nous relient à notre nature profonde et au monde qui nous entoure.
Au sein de notre société moderne, la perception instinctive d’être relié a été atrophiée. Nous avons perdu la capacité à sentir ce lien ancestral qui nous unit au Tout. L’Inquisition a joué un rôle majeur dans cette séparation de l’individu d’avec l’invisible : à une certaine époque, l’autorisation de dialoguer avec notre âme et les esprits de la nature a été prise en otage par l’Église et d’autres autorités. Le bon pouvoir et la responsabilité de l’humain gardien de l’harmonie et de l’équilibre entre la terre et le ciel ont été interdits, oubliés ou détournés...
L’homme a compensé cette perte de pouvoir par la rationalisation, le surinvestissement dans la technologie, le matérialisme. Il s’est érigé comme supérieur aux autres règnes et a cherché à contrôler et à dompter les ressources et les forces naturelles. Laissant ses ressentis de côté, il s’est coupé par la même occasion de son corps physique et de son grand corps qu’est la Terre. Il consomme la nature pour s’alimenter, mais ne se nourrit plus ni de sens, ni de vitalité. Il n’a plus le sentiment d’appartenance à une tribu dans laquelle il pourrait se reconnaître et trouver sa juste place. Il n’a plus conscience de son rôle dans la toile du Grand Rêve. L’être humain s’est tant individualisé qu’il est aujourd’hui identifié à son système personnel et familial rétréci. Il ne perçoit plus l’ensemble du vivant comme étant sa famille terrestre élargie, ni les forces invisibles comme de potentielles alliées.
Cette discordance crée un terrain restreint qui favorise le sentiment de perte de lien et de sens, et les crises identitaires et professionnelles qui en découlent. L’humain a cherché à compenser ce manque à l’intérieur du système humain seul, se repliant sur lui-même, créant ainsi une confusion des liens et des relations, comme une forme de consanguinité. Les solutions recherchées en interne sont insuffisantes.
Cette rupture de lien avec la grande toile de la vie est l’une des principales causes de la souffrance de notre monde. Nous avons réussi à survivre comme des organismes coupés de la source de vie, mais les signaux de déséquilibre de nos sociétés sont nombreux. Les maladies dégénératives – cancers, stress, dépression, etc. – se multiplient et deviennent de véritables maux de civilisation, qui symbolisent la perte de liens avec des notions, des qualités et des ressources essentielles.
Selon l’une des lois fondamentales du vivant, ce qui n’est plus relié et nourri perd son sens et son équilibre et finit par s’étioler et se fragiliser. De même, avec la vision chamanique, toute dysharmonie montre qu’un principe vital n’est pas honoré. Une maladie ou une situation conflictuelle peut aussi être le signe d’une coupure avec son âme, d’une capacité non utilisée, d’une nouvelle connaissance ou d’une partie de soi demandant à être intégrée, d’un déséquilibre de l’environnement ou du collectif qui s’exprime par ces symptômes. Au travers de nos maladies, épreuves ou déséquilibres, c’est en quelque sorte la nature ou notre âme personnelle qui essaie de nous parler, de nous rejoindre.
En nous dissociant de notre environnement et de l’intelligence derrière toute chose, les problèmes surgissent autour de nous. Ils sont la conséquence de notre déconnexion : plus nous nous dissocions, plus les choses se complexifient. Alors que la guérison, d’un point de vue chamanique, est la réunification, la collaboration avec les esprits, la danse avec l’intelligence de l’univers.
La sécurité se fonde sur le lien
Des cellules qui ne sont pas alimentées et en lien avec leur environnement s’atrophient ou se développent de manière anarchique (tumeurs). À l’image des cellules, chez l’être humain, la dissociation de l’environnement mène à la peur de manquer, générant la lutte et la concurrence.
Au contraire, la conscience d’être une partie d’un ensemble plus vaste fait s’effondrer la peur vis-à-vis des autres. On cesse alors de voir le monde extérieur comme séparé et menaçant. La nécessité de collaboration devient évidente : la curiosité, l’échange et la communication peuvent s’installer. La véritable sécurité vient quand on se sent relié à soi et faisant partie d’un ensemble plus grand.
Depuis quelques années, ce malaise culturel pousse l’être humain à chercher des voies et des pratiques pour se guérir physiquement et moralement. Un fort appel au retour à la nature et aux racines se fait entendre, et on constate un engouement pour les rites chamaniques encore présents dans certaines cultures.
Mais de nombreuses personnes confondent les moyens et la finalité : elles consomment des rituels en les sortant de leur contexte et en se coupant elles-mêmes de leur environnement culturel. La dynamique de consommation et de dissociation, caractéristique de la modernité, se déplace ainsi dans le domaine spirituel ou thérapeutique. Imaginer que le fait de partir au bout du monde, de participer à quelques cérémonies indigènes ou de se former à des pratiques énergétiques puissent nous soigner demeurera une illusion tant que le travail spirituel ou psychologique ne prendra pas racine dans le corps et le quotidien de la personne. Cette tendance engendre des risques de déconnexion, et nous constatons l’apparition de nouvelles pathologies dues à la disharmonie entre le vécu intérieur et la réalité extérieure de la personne, entre son ouverture spirituelle et sa condition physique, son terrain. Nombreux sont les thérapeutes qui, comme moi, reçoivent de plus en plus de sollicitations de personnes véritablement fragilisées par ce manque de cohérence et de lien entre les différentes couches de leur conscience, leur corps, leur réalité quotidienne et leur intégration dans la société. Car si l’un de ces aspects se développe sans lien avec les autres, on risque de vivre une forme de schizophrénie énergétique.
Ainsi, s’il est bon d’aller raviver le souvenir de notre reliance à la nature et au grand Tout par des rites et pratiques provenant d’autres cultures, il est absolument vital de les intégrer et de les adapter à notre vie ici et maintenant, sans quoi nous continuerons à nous déraciner, pratiquant une thérapie hors-sol ou de l’allopathie chamanique.
Il est urgent aujourd’hui de retrouver des liens naturels qui libèrent et enrichissent et non qui enferment et asservissent, et de reprendre ainsi notre propre pouvoir. C’est là le but des pratiques chamaniques. Loin de tout dogme, la nature et l’intelligence invisible qui sous-tendent la vie nous enseignent pour retrouver notre propre nature et notre juste place sur la Terre.
« Le bonheur, c’est de réaliser sa nature profonde.
Spinoza
Tout organisme vivant persévère pour grandir et réaliser sa nature profonde ... »
Écouter l’âme, c’est essentiel, mais encore il faut-il aussi lui offrir une bonne maison pour y vivre. C’est ce qu’elle recherche à travers vous et votre vie. Il est vraiment nécessaire de s’atteler à donner les conditions et la forme appropriées au jardin de notre âme, afin qu’elle puisse l’habiter et s’y exprimer.
C’est pourquoi avec l’ACT, on répare d’abord ce jardin dans les différents champs qui nous constituent. On crée ainsi une nouvelle matrice avec l’aide des esprits alliés. Au travers des différents corps qu’ils soignent et enrichissent de leurs qualités, notre champ devient un lieu de réunification approprié pour y accueillir les parties de soi déconnectées et intégrer les expériences vécues.
Au cours d’un soin ACT, le thérapeute regarde la personne dans tous les champs qui la constituent, à l’écoute de ce quelque chose qui cherche à se manifester à travers sa demande. Qu’est- ce que la personne recherche à travers ce symptôme ? Qu’est-ce qui cherche à la rejoindre ? L’âme a un rendez-vous avec un esprit ressource, une qualité, dans le champ universel, à la rencontre de son destin.
Le thérapeute appelle l’esprit de guérison pour la séance. Cet esprit va refaire des liens manquants dans le champ de la personne, révéler et combler ses besoins les plus profonds ; il lève les écrans et les schémas à transformer et va infuser ses qualités dans tous niveaux impliqués. L’intégration de ces ressource recrée une trame soutenante et une nouvelle forme plus adaptée à l’âme. Le thérapeute invite aussi peu à peu l’âme de la personne dans chaque corps jusqu’au physique, qui devient alors le meilleur lieu pour elle. Car l’âme ne veut pas d’expériences spirituelles non intégrées qui font partir la personne ailleurs : l’âme veut être là, ancrée dans le corps et heureuse dans son travail, dans la matière. Pour cela elle a besoin de pouvoir se poser dans un solide contenant autour d’un axe clair. La personne qui reçoit le soin pratique ensuite des activités d’ancrage spécifiques pour intégrer les nouvelles ressources et inviter l’âme dans son quotidien.
Après un recouvrement d’âme, il nous faut cultiver le lien avec les parts de soi retrouvées. J’aime utiliser l’image d’une personne qui aurait perdu une jambe et qui rêve depuis toujours de la retrouver. Tout d’abord, il n’est pas évident de la chercher en marchant sur une seule jambe, iI s’agit donc de mobiliser d’autres aides et des ressources nouvelles, d’une part. Ensuite, la cicatrice s’est refermée sur la plaie, comment y regreffer ce membre à présent ? Peut-être, d’ailleurs, n’est-il plus assorti à qui ce que nous sommes devenus, à notre taille et à notre âge d’aujourd’hui ? Le greffé et la partie à greffer doivent être préparés pour à cela. Enfin, imaginez tous les aménagements que vous avez faits dans votre vie pendant toute la durée où vous n’aviez qu’une jambe, certains vivent cela depuis la naissance ! Après l’avoir retrouvée et greffée, il faudra changer toute votre garde-robe, peut-être même vos amis et vos activités, ainsi que la façon de vous déplacer. La même chose est valable si on a perdu une capacité relationnelle par exemple. C’est tout un apprentissage que de la réintégrer et de la mettre en pratique dans la vie courante.
Au fil des soins et des stages donnés durant toutes ces années, j’ai constaté qu’il ne suffisait pas de retrouver une partie de soi perdue pour pouvoir s’en servir et la garder. En effet, c’est notre terrain de dissociation qui nous rend fragiles face aux événements à cause du manque de lien avec des ressources accessibles pour faire face à l’inconnu, à l’imprévisible et au changement.
Par habitude ou impuissance, on a plutôt tendance à se dissocier un peu plus pour afin d’éviter de souffrir encore, nous coupant ainsi de parties vitales de soi-même. Par exemple, on se coupe des relations trop proches, car la dernière nous a fait souffrir, on oublie des capacités associées à des souvenirs douloureux, on cache notre originalité parce qu’elle a été jalousée, on se prive de développer des relations et des savoir-faire qui pourraient justement nous aider à surmonter des difficultés, à grandir...
La première chose à faire est donc de réparer le terrain sur lequel on vit, pour le rendre plus riche et soutenant. Il s’agit de faire un beau jardin pour que notre âme puisse rester avec nous. Pour cela, il faut cultiver le lien à ce qui nous rend vivants, et à tout ce qui peut nous apporter de la sécurité et des ressources pour évoluer au-delà du traumatisme qui a engendré cette coupure à soi-même. Nous devons nous grandir nous-mêmes pour pouvoir accueillir les parties de soi et les talents perdus.
Il est nécessaire d’avoir plus de ressources que nous n’avions à l’époque de la séparation d’avec notre âme, et même plus de ressources que celles de nos parents n’avaient ou, plus de ressources que celles que nous n’avions acquises culturellement. Car parfois ces pertes de parties de soi sont aussi culturelles ou héritées. C’est pourquoi nous avons besoin alors d’un point de vue extérieur et de ressources différentes de celles de notre système de référence habituel.
Ce que l’âme et la conscience veulent fondamentalement, ce n’est pas que nous soyons juste simplement rapiécés. Elles ne veulent pas que d’une thérapie symptomatique chamanique. Il est très important que le corps aille bien, et la personne aussi. Mais l’âme veut plus que cela : elle veut que nous soyons entiers, en possession de nos moyens, pour grandir en conscience et s’exprimer pleinement dans la vie, et pour cela, il faut être relié au monde.
Voici quelques façons de contacter son âme et de lui faire du bien :
Cet exercice peut être fait seul ou à deux. Il s’agit de percevoir dans le corps comment on se sent quand on est vu jusque dans l’âme.
C’est un bon exercice à faire dès le matin pour se mettre en phase avec son âme et se sentir entier. C’est aussi un beau cadeau à faire à nos proches que de les regarder ainsi entièrement.…
Certaines traditions décrivent le cœur comme la maison de l'âme.…