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Le recouvrement d'âme, qu'est ce que c'est ? Comment l'aborder et le relier à la thérapie aujourd'hui.

Interview de Liliane van der Velde par Frédérika van Ingen

F : Peux tu dire d’où vient cette pratique de recouvrement d’âme et quelle est son origine.

L : Quand les Anciens ou les Peuples Premiers perçoivent qu’il manque quelque chose die vital à une personne, que son âme n’est pas bien incarnée dans son corps, ils vont faire des pratiques pour qu’elle se raccorde. Cela peut être des choses simples : être plus en harmonie avec sa propre voie, par exemple faire une quête de vision pour écouter ce que son âme veut, pour la suivre et découvrir sa mission. Souvent les maladies – et pas seulement les symptômes physiques les maladies psychiques, les accidents également - sont des indications qu’il faut réfléchir et se poser la question : « Suis-je toujours sur ma voie ? Est-ce que j’écoute bien toujours mon âme ? Et si je ne l’écoute pas, alors je risque de vraiment tomber malade.

F : C’est peut-être important d’abord de définir ce qu’est cette notion d’âme dans la vision chamanique.

L : Oui, c’est la dimension invisible intelligente qui nous anime. Tout dans l’univers est animé par une intelligence invisible, qu’on appelle le Grand Esprit ou qui prend d’autres noms selon les traditions. Cette intelligence anime aussi les espèces, les arbres, les lieux et même les pays. Et en tant qu’être humain, on a aussi une dimension invisible reliée à cette toile du Vivant qui nous anime et qu’on appelle notre âme.

F : Cette partie-là est individuelle ?

L : Oui, elle est individuelle, mais en même temps, dans cette dimension invisible, tout est relié. Le propre de la vision chamanique, c’est de percevoir qu’il y a un lien entre toute chose. Ce lien n’est pas visible, mais on peut percevoir ses effets dans la nature : comment tout respire ensemble, comment tout est interrelié. Peut-être que pour les peuples racine, c’est plus visible… par exemple ils peuvent très bien percevoir que quelqu’un n’est pas en lien avec son âme. Avec la vision et l’état de conscience chamanique, on peut demander où se trouve l’âme de quelqu’un et voir si elle est bien associée au corps.

Et d’ailleurs c’est un problème de société chez nous : beaucoup de personnes ne sont pas associées à leur âme ni à l’intelligence du Vivant. et cette absence de lien peut se manifester par exemple, par de la dépression, une maladie psychologique, un désintérêt de la vie.
Ces états sont l’expression d’une perte d’âme parce que, depuis la dimension invisible où elle se situe, l’âme a vraiment envie d’être en accord avec le corps et avec la vie physiquement. C’est comme si, quand nous nous désintéressons d’elle, elle s'éloigne aussi de nous, elle va envoyer des signaux à travers des symptômes, des maladies. Plus on va être associé à notre âme, plus on va être associé à notre corps, en bonne santé, à notre place dans la vie, là où notre âme a envie qu’on soit.

Le souhait de cet élan de l’invisible qui anime tout ce qui vit, c’est de fleurir, de se matérialiser, de grandir, de s’exprimer, d’interagir, de bénéficier à la croissance de l’ensemble. Notre âme a envie de ça aussi et si on ne se sent pas à sa place, si on n’a pas d’endroit pour s’exprimer, que l'on n’est pas relié à la vie et à la terre, alors elle se met en retrait, un peu comme entre parenthèses, c’est une forme de dissociation. « Perte d’âme » est un grand mot, on ne la perd pas, c’est simplement qu’elle se replie à un endroit où elle est en sécurité, elle est comme en attente. En général ce n’est pas l’âme elle-même qui est abîmée, c’est notre lien, notre relation à elle qui est coupée.

F : D’accord, on arrive dans la vie avec une âme reliée à notre corps et il y a des évènements de la vie qui vont qui vont nous blesser et alors l’âme va, d’une certaine façon, se protéger en s'éloignant?

L : Il y a différentes causes qui vont jouer dans cette mise en à distance de l'âme. Il y a la perte d’âme liée à un évènement brutal : un accident, une chute, la perte de quelqu’un, la perte de son pays, la perte de son travail ; dans ce cas il y a un choc important identifié qui fait que l’âme se dissocie de nous.
Mais une autre cause peut être le terrain hérité : si il y avait déjà une faible connexion à qui l’on est, à ce pour quoi on est là, à son environnement ; et cette faiblesse du lien augmentant ensuite avec l’éducation, avec certains faits sociétaux (tel que le harcèlement moral au travail), alors la coupure devient chronique et peut conduire à une dépression durable. Le langage chamanique parle de « perte d’âme » mais on se rend compte de plus en plus que ce n’est pas réellement perdre le lien à notre âme, parce que, si on l’avait complètement perdue, on ne serait plus vivant, on serait dans le coma ou on fonctionnerait très peu. Il y a toujours des liens avec elle, mais ils sont ténus. Ils sont entretenus faiblement pendant la nuit quand on dort : alors une part de notre conscience reste dans ce lien pour se nourrir d’elle et continuer de vivre.

F : Pendant la nuit, c’est le moment où l’âme entre en contact avec nous ?

L : Oui, une partie de notre conscience et de notre corps va garder ce lien avec cette dimension invisible. C’est pour ça qu’on a vraiment besoin de dormir et de rêver, pour garder le lien avec cette dimension invisible qui relie tout, sinon on devient un peu comme des marionnettes qui ne sont plus du tout associées à notre souffle de vie et à notre âme, ni au reste du vivant. Durant le sommeil, cela se fait de façon inconsciente pour maintenir un lien.

Dans le temps, on s’est rendu compte, dans les soins chamaniques qu’on propose, que ce qu’on appelle « perte d’âme » peut être la perte de n’importe quelle partie de soi. Par exemple, je peux perdre le lien avec une partie de mon coeur; bien sûr je ne peux pas perdre la moitié de mon coeur, mais je peux perdre le lien avec la moitié de mon coeur, si je perds mon enfant, si je perds mon conjoint ou quelqu’un qui m’est très cher et avec qui j’ai investi beaucoup de mon coeur. Dans la séparation et la confusion, il se peut qu’une partie de moi parte avec. Ça va être une partie de mon coeur et les capacités liées à mon coeur qui vont être éloignées de moi. Par exemple, je vais peut-être perdre la confiance en moi-même, dans mes sentiments, la confiance dans les autres, ou la capacité à m’engager dans une relation ou toute la créativité qui faisait partie de cette part de moi coupée.

F : Peut-on s’en rendre compte soi-même ?

L : Oui, bien sûr, les gens qui souffrent d’une perte de part de soi sont en souffrance en général. Ils ont moins d’intérêt dans la vie, moins d’intérêt dans les relations, ils s’ennuient et ils peuvent développer des pathologies physiques, c’est-à-dire que notre corps physique, qui est vraiment très en lien avec l’âme, va donner des signaux pour dire qu’il faut réparer quelque chose, il faut retrouver ce lien, pour que le corps se sente à nouveau dans son intégrité.

F : Est-ce que ce qu’on appelle les traumatismes sont des pertes d’âme ?

L : Les traumatismes peuvent entraîner des pertes d’âme. Quelqu’un peut être traumatisé au point qu’il est sidéré, anesthésié et qu’il n’a pas la conscience de sa perte d’âme mais les autres autour de lui en sont bien conscients. D’ailleurs, dans les cas graves comme par exemple de personnes mourantes, chez les Peuples Premiers, l’Homme ou la Femme-Médecine va voyager dans les autres mondes, dans les dimensions invisibles, pour aller rechercher cette partie et la ramener à travers l’espace et le temps, négocier avec elle, voir de quoi elle a besoin pour pouvoir revenir et se réassocier au corps du malade.

F : Est-ce qu’aujourd’hui on pratique encore le recouvrement d'âme de cette manière ?

L : Oui, quand il y a une demande appropriée ; l’homme-médecine ou la femme-médecine utilisent cette pratique avec la personne seule, ou bien un groupe entier peut collaborer, par exemple à travers la pratique du « spirit canoé » : tous les membres du groupe voyagent dans la réalité chamanique pour accompagner le thérapeute et aller chercher la partie perdue du malade, la ramener et le thérapeute va alors la lui réinsuffler. Mais le plus souvent, ce sont plusieurs parties qui se sont échappées, comme son souffle de vie, sa joie, son potentiel créatif ...Il faut les ramener aussi, car ils sont associés à cette part perdue.

Et la personne doit ensuite s’occuper de ses parties retrouvées et leur donner une place dans son quotidien...

F : Comment ça fonctionne, un travail de recouvrement d’âme ?

L : Cette pratique que je viens de décrire, comme le spirit canoë par exemple, s’applique aux situations urgentes, quand la personne est en très grande souffrance et que son état nécessite des aides extérieures pour faire ce travail. 

Mais il existe plusieurs façons de procéder.

Il y a une façon plus progressive de travailler : en soin chamanique et à travers toutes sortes d’activités de son quotidien la personne va peu à peu recevoir des soins pour réparer ce lien, cette relation abîmée ou perdue avec cette part d’elle. Ça peut être qu’elle doit faire des deuils, soigner des émotions, ou faire des rituels de réparation pour que vraiment cette partie reste.

Il y a une façon symptomatique de travailler, que les gens dans notre société de consommation veulent à tout prix, c’est de dire : « il me manque ça, s’il vous plaît, ramenez-moi ça ». Certains pratiquent le recouvrement d'âme de cette manière... Pour ma part, je réponds à mes clients : « cette chose n’est pas partie d’un coup, vous n’avez pas eu d’exemple de comment faire autrement, vous êtes nés presque comme ça, donc il faut réparer votre terrain aussi qui a favorisé la perte d’âme ».

Si on ne répare pas ce terrain, si on ne crée pas un nouveau terreau, la partie retrouvée ne va pas rester. On va faire un travail symptomatique, qui peut soulager sur le moment, mais qui n’est pas suffisant pour entretenir la relation et donner une bonne assise à cette part de nous. Avec l'Approche Chamanique de la Thérapie, c’est une autre façon de travailler, on va faire plusieurs soins et la personne aura du travail à faire en plus pour nourrir la relation intime avec cette partie à intégrer.

Puis, une troisième façon, c’est avec laméthode du voyage chamanique, si la personne a appris elle-même à voyager et communiquer avec l’invisible, dans les autres mondes. Elle a rencontré cette part d’elle qui est son Animal Totem, qui la met en lien avec son instinct mais aussi avec son âme. L'animal Totem peut la guider dans ces autres mondes pour aller rencontrer les parts manquantes et réparer le lien avec celles ci.

Par exemple, si elle a perdu une partie de son cœur en tant qu'enfant, elle a perdu la capacité de devenir une femme ou un homme adulte, qui peut avoir une relation adulte... Il se peut qu’elle doive d’abord demander beaucoup de ressources et d’esprits pour la soigner dans sa propre souffrance, pour que cette partie qui lui manque puisse s’approcher d’elle peu à peu. Et il se peut même qu’elle doive résoudre des contrats de compensation, des habitudes de survie, comme par exemple « jamais plus je n’aimerai », « on ne peut jamais faire confiance aux hommes ou aux femmes », « de toutes façons, comme on le dit depuis des générations dans la famille, l’amour, c’est pas fait pour nous » ou « la réussite, c’est pas pour nous ».

Ce genre de choses-là peut être travaillé, c’est vraiment une prise de conscience et de nouveaux choix à instaurer pour faire de la place à cette relation avec son âme. Et ensuite, pouvoir communiquer avec elle : « De quoi tu as besoin ? Qu’est-ce que tu voudrais que je fasse pour que tu restes avec moi ? Qu’as-tu besoin que je fasse dans mon quotidien pour que tu puisses exprimer tes talents ?».

Pour que l’âme puisse amener ses couleurs, sa créativité, elle va peut-être demander d’arrêter des habitudes et des relations néfastes, de faire plus ce qu’on aime et qui fait du bien pour la santé. D’ailleurs beaucoup d’habitudes néfastes, comme les addictions, dépressions sont des symptômes ou des compensations de cette perte d’âme, de cette dissociation.

F : Quand on a fait cette pratique, qu’on a préparé le terrain pour accueillir cette part de soi, en tout cas qu’on a refait ce lien avec son âme, qu’est-ce qui se passe ? A quoi ça ressemble l’âme dans un voyage chamanique ?

L : Ce sont des parts, des aspects de notre âme, ce n’est pas l’ensemble de notre âme qui est perdue ; il ne faut pas croire ça, sinon on ne serait plus là ... Ce sont des aspects soit qui sont partis, soit qui n’ont pas pu vraiment être intégrés. 
S’ils sont coupés suite à un traumatisme, quand on va s’approcher de ces parts-là, souvent la mémoire des chocs va remonter et toutes les compensations qui se sont mises en place et qui font écran avec l’âme ; donc on va devoir les transformer et on ne peut pas le faire seul . lors, on demande beaucoup d’aide et des Esprits Alliés viennent nous aider sous différentes formes. Cela peut être des esprits de la nature, ou des qualités qui nous ont manquées : du soutien, de la protection de la Grand-Mère Terre, si on n’a pas été choyé, et qu'on n’a pas reçu la sécurité pour accueillir notre âme. On va recevoir ce genre de ressources-là, on va lever des schémas qui interfèrent et, peu à peu, cette part oubliée va s’approcher de nous. 
Elle peut avoir un aspect sans forme, comme de la lumière, des couleurs. En tout cas, elle a un lien avec soi et on sent ce que ça fait à l’intérieur de nous. Elle peut aussi prendre forme petit à petit, ça dépend de l’intention qu’on a quand on fait ce travail.

F: Pourquoi est-ce que quelqu’un veut retrouver sa part d’âme ?

L : Il faut avoir une intention, c’est important de la dire. Par exemple : « je veux avoir une relation heureuse », « je veux m’épanouir dans mon travail », « je veux me sentir en bonne santé et heureux dans mon corps ». Cette part d’âme va prendre cet aspect qui nous manque. D’ailleurs, il y a des personnes chez lesquelles on a observé que la perte d’âme (ou de l’image de soi) est dûe à la perte d’un organe ou à l’amputation d’un membre et non à cause de la fin d’une relation importante. Ainsi certains dont on a changé le sang se sont plus sentis pareils et ont eu l’impression d’avoir perdu une partie d’eux-mêmes. Ces patients vont se rendre compte que cette partie dont ils se sentent coupés a aussi un pendant invisible, éthérique qui continue de fonctionner. Si en voyage chamanique ils la contactent, ils sont alors capables de faire le deuil de la partie physique et de retrouver la partie énergétique de ces organes et de ces fonctions.

Donc, ça peut prendre différents aspects. Pour certains, ça prend la forme du coeur, pour d’autres ça prend la forme de quelque chose dont ils sont revêtus, par exemple une nouvelle peau ou un cocon.... Tout d’un coup, ils existent en tant que Homme, Femme, Adulte. Et c’est souvent relié à des talents ou de qualités en lien avec cette part retrouvée.

F : Donc ça va être ça l’effet, on va retrouver quelque chose de soi et quelque chose qui va se réveiller qu'on avait en soi, mais avec laquelle on avait perdu le lien ?

L : Alors, il y a des personnes pour qui cette part est comme inconnue quand elle arrive, c’est-à-dire qu’elle ne devient familière que peu à peu, très doucement parce que c'est comme s’ils ne l'avaient même pas connue depuis leur naissance. Ce lien est là depuis avant la naissance, mais elle n'a pas eu l'occasion d'être vu ou nourri.

Pour d’autres, c'est quelque chose qui s'est arrêté à quatre ou cinq ans, quand on s'est moqué d’eux à l'école en disant : « tes dessins, c'est nul » ou « arrête de faire ça », par exemple. Ca a déclenché de la jalousie ou la colère des parents et ça va couper cet élan et ce lien « enfant » avec cette part de soi « créative », la partie créative de l’âme. Donc, il y a des personnes pour qui c’était déjà là et puis il y en a d'autres pour qui c'était là, mais ça n'a jamais été intégré en fait.

F : Qu’est-ce que tu peux décrire comme effets principaux ?

L : Alors, les premiers effets, souvent, c’est d’avoir en même temps un grand soulagement et en même temps tous les écrans qui nous séparaient de ça qui remontent. C’est-à-dire qu’un recouvrement, qui s'incarne physiquement dans le corps, d’abord c’est un processus, ça se fait comme une gestation ou une greffe d'organe, c’est-à-dire que la chose est là, et il faut le temps qu'elle se greffe et que tout le système qui nous compose se réorganise autour de ça. Je dis toujours : quand vous avez marché toute votre vie avec seulement une jambe en rêvant d'avoir deux jambes pour pouvoir danser, le jour où on vous la greffe, il faut changer la garde-robe, il faut changer les pratiques, il faut changer les amis, il faut changer l'image de soi victime, enfin, il y a plein plein de choses à changer. Les gens ne se rendent pas compte l'impact que ça a, donc il y a en même temps un soulagement et en même temps un phénomène de désintoxication de l’avant qui doit se faire. C’est pour ça que ça a vraiment besoin d’être accompagné et compris, et ça nécessite une réappropriation de cette partie là, comment je la ramène dans mon corps et dans mon quotidien. D’une façon générale, la personne se sent plus entière, d’autant plus si elle est capable d’entretenir le lien à travers des pratiques avec cette partie d’elle.

F : Des pratiques comme le voyage chamanique par exemple ?

L : Oui. Il y a aussi des pratiques du voyage chamanique où c’est quelqu’un d’autre qui va chercher la partie de la personne et qui la lui ramène, mais ça n’aura jamais la même consistance que si la personne est capable de faire tout ce processus elle-même. Et c'est normal que quelqu'un de malade ou d’affaibli ne puisse pas le faire d'emblée lui-même, c'est un parcours, ça se prépare, on soigne le terrain, on apprend à travailler avec des alliés pour pouvoir le faire et ça peut se faire en plusieurs parties. C’est-à-dire que c'est tout à fait possible que la personne ait un suivi par quelqu'un d'autre qui prépare le processus et qu'ensuite elle fasse aussi un trajet en voyage chamanique où elle apprend elle même à aller rencontrer cette partie ou à récupérer encore d'autres parties d'elle. On croit qu’on a une partie qui nous manque mais en fait, au fil des années de pratique, je vois que c’est comme un processus continu : il y a des gros morceaux à récupérermais au fil du temps, on se rend compte qu'on peut toujours retrouver plus de soi-même, plus de ses talents pour les incarner. Ce chemin de recouvrement d’âme est très utile pour continuer de grandir ensuite, même si on n'est pas malade.

F : Est-ce que ce serait quelque chose qui s'adresse à tout le monde et que tout le monde aurait intérêt à faire ?

L : En tout cas, notre société entière souffre de perte d’âme. Nous avons subi l’interdiction d'être en lien direct avec l'invisible dans la nature et à l'intérieur de soi, donc ça a créé une espèce de schisme collectif, qui est resté et même si on n’est pas catholique ou ce genre de choses-là, c’est resté dans la conscience collective. Donc oui, tout le monde a besoin de retrouver le lien avec son âme. Par rapport aux outils à utiliser, ça dépend où se trouve la personne, ce qu’elle est capable de faire. Est-ce qu’elle a besoin de commencer par des soins, si elle est trop affaiblie avant de pouvoir apprendre la méthode du voyage chamanique et savoir faire toutes les étapes elle-même ? Ça, c’est à voir au cas par cas.

C'est important de se rendre compte que nous devons tous, malades ou pas, prendre soin du lien avec notre âme qui nous nourrit en retour. Simplement l’écouter, en se mettant en lien avec notre coeur, par exemple, qui est un endroit privilégié de lien à l’âme, pour sentir s’il est bien habité. Sentir aussi notre corps en entier et faire ce qui le renforce, lui donne de l'énergie et de la créativité. D’ailleurs, la créativité aussi est un signe de lien à l'âme et, par exemple, pratiquer l'art sous toutes ses formes va nourrir le lien à l’âme et à l'invisible en général.

F : Il y a donc des moyens, en dehors du recouvrement d’âme, de nourrir ce lien ?

L : Oui, l’art, le lien à la nature va en miroir résonner dans notre propre nature. Le lien à la terre, jardiner, cultiver, marcher, par exemple, vont entretenir la connexion à l’âme étant donné que ce qu’elle désire avant tout c'est d’être reliée avec un socle physique, matériel qui la soutient.

F : Ça veut dire qu’avoir des relations harmonieuses avec les autres, c'est une façon de nourrir son âme aussi ?

L : En tout cas d'avoir des relations, oui ; qu’elles soient harmonieuses, c'est très subjectif. Peut être que nous ne les jugeons pas harmonieuses mais que, depuis le point de vue de notre âme, ces relations nous incitent à évoluer, à surmonter des défis, à chercher des ressources, à apprendre des choses... La vie nous pousse à grandir et nous aide à développer des talents et à acquérir de nouveaux savoir-faire.

Donc, ce n'est pas juste l’âme qui nous nourrit en s’incarnant : la confrontation avec la vie terrestre va donner envie de développer des potentiels et la nourrir en retour.

L’âme s’enrichit à travers tous les liens que l’on tisse, que ce soit avec la vie, la nature, les autres ou soi-même. Ces liens reflètent où j'en suis. Par exemple, prendre conscience que « Ce n'était pas une bonne décision”, me pousse à essayer autre chose : « Cela a bien marché. Ah tiens, je ne m’en rendais pas compte mais, en fait, j’ai tel talent et je peux contribuer au jardin de la vie ».

D'ailleurs pour l’âme, le travail - que ce soit une activité professionnelle, un hobby, une passion, ou une activité humanitaire - la façon dont elle contribue au monde, est essentielle ! Quand elle s’exprime, elle s'enrichit au travers de l'effet qu'elle a et de notre interaction avec le monde. Sans interaction, il y a peu de croissance... Bien sûr, l'idée c'est de vouloir ensuite équilibrer les relations au travers de ce qu'on apprend de nos expériences.

F : Oui, ce ne sont pas forcément des relations reposantes mais des relations nourrissantes ?

L : Oui, nourrissantes ou stimulantes. Le défi, à travers des pertes d’âme ou des coupures de cet ordre, c'est de voir quelles sont les ressources alliées et les qualités que j'ai besoin d'apprendre afin que ce qui a été une douleur soit transformé en un acquis ou une expérience, ou peut-être même un savoir-faire à partager ensuite avec mon entourage…

F : Finalement, l'âme, c’est un peu notre corps mais dans sa part invisible? Il faudrait entretenir une hygiène de l’âme ?

L : Oui, pour le dire simplement: l’âme est la part invisible de notre corps et de tout notre être ; l’âme et le corps sont liés et il faut nourrir les deux.

F : Juste peut-être pour terminer, qu'est ce que tu as pu constater comme effets pour les personnes qui font ce travail là ?

L : On les perçoit plus présentes, plus consistantes, elles sont tout d'un coup plus visibles. Leurs visages changent, elles sont plus vivantes, plus rayonnantes ; leurs relations s’apaisent aussi et quelque chose se pose à l’intérieur... Ça ne se fait pas en une fois mais dans un processus de travail avec cette part retrouvée. Je vois souvent une richesse et de la créativité qui se développent, leur santé s’améliore et elles se sentent plus soutenues pour entreprendre leurs projets..

Et pour terminer au sujet du lien à l’âme, je voudrais rajouter que la dissociation imposée actuellement dans notre société, qui nous désapproprie de notre santé, de notre autorité personnelle, de notre capacité de décision, c’est un signe de perte d’âme collective qui va en s’aggravant.

Les problèmes écologiques sont directement liés à cette situation. Plus on se dissocie, plus on se sépare de soi et du Vivant autour de soi, plus il y aura de perte d’âme et l’environnement en pâtit, c’est un cercle vicieux.

C’est pourquoi dans cette période que nous vivons, plus que jamais il est essentiel de nourrir les liens de toutes les manières possibles, à l’intérieur de soi comme avec la nature et avec la terre… Et de vraiment bien investir le lien à la terre de notre lieu de vie, par exemple en dialoguant et en remerciant la terre où on habite, même si on vit en appartement, car en dessous il y a cette terre et autour il y a les arbres et la nature qu’elle porte. C'est vital de bien sentir ce lieu, le sien, et cette place qu’on occupe au sein du Vivant.