Rétablir la reliance à l’âme et au Vivant

Extrait du livre : l’Approche Chamanique de la Thérapie

Être relié au Tout

Aux quatre coins de la planète, tous les peuples premiers, bien qu’éloignés les uns des autres, avaient ce point commun d’être en lien avec l’ensemble du vivant, non pas seulement avec les éléments visibles de la nature mais aussi avec l’intelligence à l’œuvre derrière toute création.

Pour eux, être vivant signifiait d’abord être relié, aussi bien aux autres règnes – minéral, végétal, animal – et entre humains que dans la connexion aux plans invisibles. Ils se sentaient eux-mêmes une partie du Grand Tout, comme l’un des membres d’un corps beaucoup plus vaste ; ils se savaient non pas supérieurs mais complémentaires aux autres. Ils avaient conscience que leur survie et leur équilibre dépendaient de leur lien à l’environnement visible et invisible, que tout est inter-relié, qu’un système ne peut vivre seul, sans échange avec les autres.

Les rites et les cultures étaient différents, mais partout dans le monde, les peuples premiers percevaient l’existence d’une intelligence créatrice du monde : le Grand Esprit. De cette source universelle émergent des champs vibratoires différents qui se matérialisent ensuite en entités spécifiques : une fleur, l’eau, un pays, un projet, etc. Plus on honore, plus on offre de l’attention à un Esprit, plus il prend forme et vie. Les esprits sont l’essence invisible de la nature, c’est la source vitale et intelligente qui anime toute chose et avec laquelle on peut communiquer en état de conscience chamanique. C’est ce qui informe et donne forme à la matière. Exprimé en langage d’aujourd’hui, l’esprit d’une espèce est la source d’intelligence créatrice de cette espèce ou de son champ morphogénétique.

Par exemple, c’est à l’esprit des Plantes que l’on fait appel en homéopathie ou dans les élixirs de Bach. Dans ce cas, ce ne sont pas les substances physiques des plantes qui sont utilisées pour soigner, mais leurs qualités énergétiques qui sont transmises à la personne pour lui apporter une information ou activer une ressource en elle. Les lieux de nature, les maisons, les entreprises ont aussi leur propre esprit, qui alimente leur énergie spécifique et porte leurs qualités et leur mémoires.

Dr Olivier Chambon : « L’univers est fait de champs vibratoires. Il y a un grand champ de fond, que les chamans nomment Grand Esprit ou Mère Universelle et que certains décrivent comme étant le champ akashique. Ce champ primordial se différencie en une multitude d’autres champs, comme le font les couleurs de l’arc-en-ciel. La question est de savoir : qu’attendons-nous,-nous les humains, pour nous relier à eux ? Pourquoi nous coupons-nous de cette intelligence ? » 

De tout temps et chez tous les peuples, le pouvoir était perçu dans la capacité de dialoguer avec l’intelligence invisible qui sait le lien entre les choses. C’est elle qui apporte connaissance, guidance et sagesse. C’est pourquoi les guérisseurs, voyants, prêtres et chamans avaient une forme d’autorité dans leur société.

Chaman est un terme originaire de Sibérie, utilisé communément aujourd’hui pour désigner les hommes et femmes-médecine qui assument la fonction d’intermédiaire entre l’humain et l’intelligence de l’Univers. Ils sont les gardiens de l’équilibre entre les différents mondes et systèmes, visibles et invisibles. À ce titre, ils sont censés être au service de la nature, des hommes et de la société et non pas dans une recherche charismatique de pouvoir. Leur responsabilité est importante, que ce soit pour apporter la guérison ou dans leur rôle de médiation ou de conseil pour les hommes et les femmes et l’équilibre de la communauté. En utilisant différentes approches selon les traditions, les chamans peuvent réparer les fils qui nous relient à notre nature profonde et au monde qui nous entoure.

Les effets de la dissociation avec la toile du vivant

Au sein de notre société moderne, la perception instinctive d’être relié a été atrophiée. Nous avons perdu la capacité à sentir ce lien ancestral qui nous unit au Tout. L’Inquisition a joué un rôle majeur dans cette séparation de l’individu d’avec l’invisible : à une certaine époque, l’autorisation de dialoguer avec notre âme et les esprits de la nature a été prise en otage par l’Église et d’autres autorités. Le bon pouvoir et la responsabilité de l’humain gardien de l’harmonie et de l’équilibre entre la terre et le ciel ont été interdits, oubliés ou détournés...

L’homme a compensé cette perte de pouvoir par la rationalisation, le surinvestissement dans la technologie, le matérialisme. Il s’est érigé comme supérieur aux autres règnes et a cherché à contrôler et à dompter les ressources et les forces naturelles. Laissant ses ressentis de côté, il s’est coupé par la même occasion de son corps physique et de son grand corps qu’est la Terre. Il consomme la nature pour s’alimenter, mais ne se nourrit plus ni de sens, ni de vitalité. Il n’a plus le sentiment d’appartenance à une tribu dans laquelle il pourrait se reconnaître et trouver sa juste place. Il n’a plus conscience de son rôle dans la toile du Grand Rêve. L’être humain s’est tant individualisé qu’il est aujourd’hui identifié à son système personnel et familial rétréci. Il ne perçoit plus l’ensemble du vivant comme étant sa famille terrestre élargie, ni les forces invisibles comme de potentielles alliées.

Cette discordance crée un terrain restreint qui favorise le sentiment de perte de lien et de sens, et les crises identitaires et professionnelles qui en découlent. L’humain a cherché à compenser ce manque à l’intérieur du système humain seul, se repliant sur lui-même, créant ainsi une confusion des liens et des relations, comme une forme de consanguinité. Les solutions recherchées en interne sont insuffisantes.

Cette rupture de lien avec la grande toile de la vie est l’une des principales causes de la souffrance de notre monde. Nous avons réussi à survivre comme des organismes coupés de la source de vie, mais les signaux de déséquilibre de nos sociétés sont nombreux. Les maladies dégénératives – cancers, stress, dépression, etc. – se multiplient et deviennent de véritables maux de civilisation, qui symbolisent la perte de liens avec des notions, des qualités et des ressources essentielles.

Selon l’une des lois fondamentales du vivant, ce qui n’est plus relié et nourri perd son sens et son équilibre et finit par s’étioler et se fragiliser. De même, avec la vision chamanique, toute dysharmonie montre qu’un principe vital n’est pas honoré. Une maladie ou une situation conflictuelle peut aussi être le signe d’une coupure avec son âme, d’une capacité non utilisée, d’une nouvelle connaissance ou d’une partie de soi demandant à être intégrée, d’un déséquilibre de l’environnement ou du collectif qui s’exprime par ces symptômes. Au travers de nos maladies, épreuves ou déséquilibres, c’est en quelque sorte la nature ou notre âme personnelle qui essaie de nous parler, de nous rejoindre.

En nous dissociant de notre environnement et de l’intelligence derrière toute chose, les problèmes surgissent autour de nous. Ils sont la conséquence de notre déconnexion : plus nous nous dissocions, plus les choses se complexifient. Alors que la guérison, d’un point de vue chamanique, est la réunification, la collaboration avec les esprits, la danse avec l’intelligence de l’univers.

La sécurité se fonde sur le lien

Des cellules qui ne sont pas alimentées et en lien avec leur environnement s’atrophient ou se développent de manière anarchique (tumeurs). À l’image des cellules, chez l’être humain, la dissociation de l’environnement mène à la peur de manquer, générant la lutte et la concurrence.
Au contraire, la conscience d’être une partie d’un ensemble plus vaste fait s’effondrer la peur vis-à-vis des autres. On cesse alors de voir le monde extérieur comme séparé et menaçant. La nécessité de collaboration devient évidente : la curiosité, l’échange et la communication peuvent s’installer. La véritable sécurité vient quand on se sent relié à soi et faisant partie d’un ensemble plus grand.

Depuis quelques années, ce malaise culturel pousse l’être humain à chercher des voies et des pratiques pour se guérir physiquement et moralement. Un fort appel au retour à la nature et aux racines se fait entendre, et on constate un engouement pour les rites chamaniques encore présents dans certaines cultures. 

Mais de nombreuses personnes confondent les moyens et la finalité : elles consomment des rituels en les sortant de leur contexte et en se coupant elles-mêmes de leur environnement culturel. La dynamique de consommation et de dissociation, caractéristique de la modernité, se déplace ainsi dans le domaine spirituel ou thérapeutique. Imaginer que le fait de partir au bout du monde, de participer à quelques cérémonies indigènes ou de se former à des pratiques énergétiques puissent nous soigner demeurera une illusion tant que le travail spirituel ou psychologique ne prendra pas racine dans le corps et le quotidien de la personne. Cette tendance engendre des risques de déconnexion, et nous constatons l’apparition de nouvelles pathologies dues à la disharmonie entre le vécu intérieur et la réalité extérieure de la personne, entre son ouverture spirituelle et sa condition physique, son terrain. Nombreux sont les thérapeutes qui, comme moi, reçoivent de plus en plus de sollicitations de personnes véritablement fragilisées par ce manque de cohérence et de lien entre les différentes couches de leur conscience, leur corps, leur réalité quotidienne et leur intégration dans la société. Car si l’un de ces aspects se développe sans lien avec les autres, on risque de vivre une forme de schizophrénie énergétique.

Ainsi, s’il est bon d’aller raviver le souvenir de notre reliance à la nature et au grand Tout par des rites et pratiques provenant d’autres cultures, il est absolument vital de les intégrer et de les adapter à notre vie ici et maintenant, sans quoi nous continuerons à nous déraciner, pratiquant une thérapie hors-sol ou de l’allopathie chamanique.

Rétablir la reliance

Il est urgent aujourd’hui de retrouver des liens naturels qui libèrent et enrichissent et non qui enferment et asservissent, et de reprendre ainsi notre propre pouvoir. C’est là le but des pratiques chamaniques. Loin de tout dogme, la nature et l’intelligence invisible qui sous-tendent la vie nous enseignent pour retrouver notre propre nature et notre juste place sur la Terre.

« Le bonheur, c’est de réaliser sa nature profonde.
Tout organisme vivant persévère pour grandir et réaliser sa nature profonde ... »

Spinoza

L’Approche Chamanique de la Thérapie

Écouter l’âme, c’est essentiel, mais encore il faut-il aussi lui offrir une bonne maison pour y vivre. C’est ce qu’elle recherche à travers vous et votre vie. Il est vraiment nécessaire de s’atteler à donner les conditions et la forme appropriées au jardin de notre âme, afin qu’elle puisse l’habiter et s’y exprimer.

C’est pourquoi avec l’ACT, on répare d’abord ce jardin dans les différents champs qui nous constituent. On crée ainsi une nouvelle matrice avec l’aide des esprits alliés. Au travers des différents corps qu’ils soignent et enrichissent de leurs qualités, notre champ devient un lieu de réunification approprié pour y accueillir les parties de soi déconnectées et intégrer les expériences vécues.

Au cours d’un soin ACT, le thérapeute regarde la personne dans tous les champs qui la constituent, à l’écoute de ce quelque chose qui cherche à se manifester à travers sa demande. Qu’est- ce que la personne recherche à travers ce symptôme ? Qu’est-ce qui cherche à la rejoindre ? L’âme a un rendez-vous avec un esprit ressource, une qualité, dans le champ universel, à la rencontre de son destin.

Le thérapeute appelle l’esprit de guérison pour la séance. Cet esprit va refaire des liens manquants dans le champ de la personne, révéler et combler ses besoins les plus profonds ; il lève les écrans et les schémas à transformer et va infuser ses qualités dans tous niveaux impliqués. L’intégration de ces ressource recrée une trame soutenante et une nouvelle forme plus adaptée à l’âme. Le thérapeute invite aussi peu à peu l’âme de la personne dans chaque corps jusqu’au physique, qui devient alors le meilleur lieu pour elle. Car l’âme ne veut pas d’expériences spirituelles non intégrées qui font partir la personne ailleurs : l’âme veut être là, ancrée dans le corps et heureuse dans son travail, dans la matière. Pour cela elle a besoin de pouvoir se poser dans un solide contenant autour d’un axe clair. La personne qui reçoit le soin pratique ensuite des activités d’ancrage spécifiques pour intégrer les nouvelles ressources et inviter l’âme dans son quotidien.

Après le recouvrement d’âme, nourrir la relation à soi

Après un recouvrement d’âme, il nous faut cultiver le lien avec les parts de soi retrouvées. J’aime utiliser l’image d’une personne qui aurait perdu une jambe et qui rêve depuis toujours de la retrouver. Tout d’abord, il n’est pas évident de la chercher en marchant sur une seule jambe, iI s’agit donc de mobiliser d’autres aides et des ressources nouvelles, d’une part. Ensuite, la cicatrice s’est refermée sur la plaie, comment y regreffer ce membre à présent ? Peut-être, d’ailleurs, n’est-il plus assorti à qui ce que nous sommes devenus, à notre taille et à notre âge d’aujourd’hui ? Le greffé et la partie à greffer doivent être préparés pour à cela. Enfin, imaginez tous les aménagements que vous avez faits dans votre vie pendant toute la durée où vous n’aviez qu’une jambe, certains vivent cela depuis la naissance ! Après l’avoir retrouvée et greffée, il faudra changer toute votre garde-robe, peut-être même vos amis et vos activités, ainsi que la façon de vous déplacer. La même chose est valable si on a perdu une capacité relationnelle par exemple. C’est tout un apprentissage que de la réintégrer et de la mettre en pratique dans la vie courante.

Au fil des soins et des stages donnés durant toutes ces années, j’ai constaté qu’il ne suffisait pas de retrouver une partie de soi perdue pour pouvoir s’en servir et la garder. En effet, c’est notre terrain de dissociation qui nous rend fragiles face aux événements à cause du manque de lien avec des ressources accessibles pour faire face à l’inconnu, à l’imprévisible et au changement.
Par habitude ou impuissance, on a plutôt tendance à se dissocier un peu plus pour afin d’éviter de souffrir encore, nous coupant ainsi de parties vitales de soi-même. Par exemple, on se coupe des relations trop proches, car la dernière nous a fait souffrir, on oublie des capacités associées à des souvenirs douloureux, on cache notre originalité parce qu’elle a été jalousée, on se prive de développer des relations et des savoir-faire qui pourraient justement nous aider à surmonter des difficultés, à grandir...

La première chose à faire est donc de réparer le terrain sur lequel on vit, pour le rendre plus riche et soutenant. Il s’agit de faire un beau jardin pour que notre âme puisse rester avec nous. Pour cela, il faut cultiver le lien à ce qui nous rend vivants, et à tout ce qui peut nous apporter de la sécurité et des ressources pour évoluer au-delà du traumatisme qui a engendré cette coupure à soi-même. Nous devons nous grandir nous-mêmes pour pouvoir accueillir les parties de soi et les talents perdus.

Il est nécessaire d’avoir plus de ressources que nous n’avions à l’époque de la séparation d’avec notre âme, et même plus de ressources que celles de nos parents n’avaient ou, plus de ressources que celles que nous n’avions acquises culturellement. Car parfois ces pertes de parties de soi sont aussi culturelles ou héritées. C’est pourquoi nous avons besoin alors d’un point de vue extérieur et de ressources différentes de celles de notre système de référence habituel.

Ce que l’âme et la conscience veulent fondamentalement, ce n’est pas que nous soyons juste simplement rapiécés. Elles ne veulent pas que d’une thérapie symptomatique chamanique. Il est très important que le corps aille bien, et la personne aussi. Mais l’âme veut plus que cela : elle veut que nous soyons entiers, en possession de nos moyens, pour grandir en conscience et s’exprimer pleinement dans la vie, et pour cela, il faut être relié au monde.

Pratiquer la reliance à l’âme

Voici quelques façons de contacter son âme et de lui faire du bien :

  • Se regarder dans le miroir au fond des yeux, jusqu’à percevoir la lumière de notre âme. Voir ci-dessous l’exercice « les yeux, fenêtres de l’âme ».
  • Développer notre intuition en étant à l’écoute et en étant capable d’interpréter des messages souvent furtifs venant de notre âme sous forme d’émotions, d’images, de pensées et de sensations du corps et du cœur.
  • Inviter son âme au coucher à nous visiter en rêve, noter ses messages, lui parler au lever pour être ensemble dans les situations de la journée, consigner les rêves fondateurs répétitifs.
  • Repérer où et avec qui ou quoi on se sent bien et en communion inattendue : un paysage, un visage, une musique ou un tableau.
  • Privilégier les activités qui produisent ces frissons, témoins d’une âme active : la danse, la peinture, le théâtre, le chant…
  • Porter attention aux cailloux d’or jetés par notre âme sur notre chemin sous forme de synchronicités.
  • Se (faire) masser avec une huile parfumée aux senteurs préférées de notre âme.
  • Se laisser aller à l’écriture inspirée pour converser avec soi.
  • Pratiquer le yoga, la méditation, la prière, pour demander de l’aide et pour remercier.
  • Cultiver le bonheur, l’amour, par moments dans notre quotidien.
  • Cueillir des fleurs, respirer leur parfum ; admirer la beauté de la nature en conscience.
  • Faire de la cuisine créative, comme un acte joyeux à partager avec les autres.
  • Danser le tango, dans une écoute des deux partenaires et une rencontre de cœur à cœur.
  • Prendre soin de soi, se faire beau pour honorer sa beauté intérieure, oser se mettre en valeur.
  • Écouter de la musique qui nous touche profondément.
  • Regarder l’amour autour de soi, par exemple dans les yeux de notre son animal de compagnie, voir son amour sans jugement pour nous… C’est ainsi que notre âme et les esprits nous regardent, mais en 1000 mille fois plus grand.

Les yeux, fenêtre de l’âme

Cet exercice peut être fait seul ou à deux. Il s’agit de percevoir dans le corps comment on se sent quand on est vu jusque dans l’âme.

C’est un bon exercice à faire dès le matin pour se mettre en phase avec son âme et se sentir entier. C’est aussi un beau cadeau à faire à nos proches que de les regarder ainsi entièrement.…

Voyage dans la maison de notre âme

Certaines traditions décrivent le cœur comme la maison de l'âme.…

  • Installez-vous confortablement, prenez quelques respirations profondes, jusqu’à vous sentir calme et disponible pour entamer le voyage vers votre cœur.
  • Laisser votre respiration vous rapprocher de plus en plus de celui-ci.
  • Lorsque vous arrivez tout près, visualisez-le ; cherchez la porte pour y entrer, puis ouvrez-la.
  • Entrez à l’intérieur et ressentez l’ambiance qui règne à cet endroit. Invitez votre âme à se montrer. Comment va-t-elle ? Qu’a-t-elle à vous dire ? Pouvez-vous lui faire plus de place à cet endroit, améliorer quelque chose pour qu’elle se sente vue et écoutée ?
  • Ressentez comment vous vous sentez dans votre corps lorsque vous êtes en lien avec votre âme ; ancrez cette sensation avec votre respiration.

Le recouvrement d'âme, qu'est ce que c'est ? Comment l'aborder et le relier à la thérapie aujourd'hui.

Interview de Liliane van der Velde par Frédérika van Ingen

F : Peux tu dire d’où vient cette pratique de recouvrement d’âme et quelle est son origine.

L : Quand les Anciens ou les Peuples Premiers perçoivent qu’il manque quelque chose die vital à une personne, que son âme n’est pas bien incarnée dans son corps, ils vont faire des pratiques pour qu’elle se raccorde. Cela peut être des choses simples : être plus en harmonie avec sa propre voie, par exemple faire une quête de vision pour écouter ce que son âme veut, pour la suivre et découvrir sa mission. Souvent les maladies – et pas seulement les symptômes physiques les maladies psychiques, les accidents également - sont des indications qu’il faut réfléchir et se poser la question : « Suis-je toujours sur ma voie ? Est-ce que j’écoute bien toujours mon âme ? Et si je ne l’écoute pas, alors je risque de vraiment tomber malade.

F : C’est peut-être important d’abord de définir ce qu’est cette notion d’âme dans la vision chamanique.

L : Oui, c’est la dimension invisible intelligente qui nous anime. Tout dans l’univers est animé par une intelligence invisible, qu’on appelle le Grand Esprit ou qui prend d’autres noms selon les traditions. Cette intelligence anime aussi les espèces, les arbres, les lieux et même les pays. Et en tant qu’être humain, on a aussi une dimension invisible reliée à cette toile du Vivant qui nous anime et qu’on appelle notre âme.

F : Cette partie-là est individuelle ?

L : Oui, elle est individuelle, mais en même temps, dans cette dimension invisible, tout est relié. Le propre de la vision chamanique, c’est de percevoir qu’il y a un lien entre toute chose. Ce lien n’est pas visible, mais on peut percevoir ses effets dans la nature : comment tout respire ensemble, comment tout est interrelié. Peut-être que pour les peuples racine, c’est plus visible… par exemple ils peuvent très bien percevoir que quelqu’un n’est pas en lien avec son âme. Avec la vision et l’état de conscience chamanique, on peut demander où se trouve l’âme de quelqu’un et voir si elle est bien associée au corps.

Et d’ailleurs c’est un problème de société chez nous : beaucoup de personnes ne sont pas associées à leur âme ni à l’intelligence du Vivant. et cette absence de lien peut se manifester par exemple, par de la dépression, une maladie psychologique, un désintérêt de la vie.
Ces états sont l’expression d’une perte d’âme parce que, depuis la dimension invisible où elle se situe, l’âme a vraiment envie d’être en accord avec le corps et avec la vie physiquement. C’est comme si, quand nous nous désintéressons d’elle, elle s'éloigne aussi de nous, elle va envoyer des signaux à travers des symptômes, des maladies. Plus on va être associé à notre âme, plus on va être associé à notre corps, en bonne santé, à notre place dans la vie, là où notre âme a envie qu’on soit.

Le souhait de cet élan de l’invisible qui anime tout ce qui vit, c’est de fleurir, de se matérialiser, de grandir, de s’exprimer, d’interagir, de bénéficier à la croissance de l’ensemble. Notre âme a envie de ça aussi et si on ne se sent pas à sa place, si on n’a pas d’endroit pour s’exprimer, que l'on n’est pas relié à la vie et à la terre, alors elle se met en retrait, un peu comme entre parenthèses, c’est une forme de dissociation. « Perte d’âme » est un grand mot, on ne la perd pas, c’est simplement qu’elle se replie à un endroit où elle est en sécurité, elle est comme en attente. En général ce n’est pas l’âme elle-même qui est abîmée, c’est notre lien, notre relation à elle qui est coupée.

F : D’accord, on arrive dans la vie avec une âme reliée à notre corps et il y a des évènements de la vie qui vont qui vont nous blesser et alors l’âme va, d’une certaine façon, se protéger en s'éloignant?

L : Il y a différentes causes qui vont jouer dans cette mise en à distance de l'âme. Il y a la perte d’âme liée à un évènement brutal : un accident, une chute, la perte de quelqu’un, la perte de son pays, la perte de son travail ; dans ce cas il y a un choc important identifié qui fait que l’âme se dissocie de nous.
Mais une autre cause peut être le terrain hérité : si il y avait déjà une faible connexion à qui l’on est, à ce pour quoi on est là, à son environnement ; et cette faiblesse du lien augmentant ensuite avec l’éducation, avec certains faits sociétaux (tel que le harcèlement moral au travail), alors la coupure devient chronique et peut conduire à une dépression durable. Le langage chamanique parle de « perte d’âme » mais on se rend compte de plus en plus que ce n’est pas réellement perdre le lien à notre âme, parce que, si on l’avait complètement perdue, on ne serait plus vivant, on serait dans le coma ou on fonctionnerait très peu. Il y a toujours des liens avec elle, mais ils sont ténus. Ils sont entretenus faiblement pendant la nuit quand on dort : alors une part de notre conscience reste dans ce lien pour se nourrir d’elle et continuer de vivre.

F : Pendant la nuit, c’est le moment où l’âme entre en contact avec nous ?

L : Oui, une partie de notre conscience et de notre corps va garder ce lien avec cette dimension invisible. C’est pour ça qu’on a vraiment besoin de dormir et de rêver, pour garder le lien avec cette dimension invisible qui relie tout, sinon on devient un peu comme des marionnettes qui ne sont plus du tout associées à notre souffle de vie et à notre âme, ni au reste du vivant. Durant le sommeil, cela se fait de façon inconsciente pour maintenir un lien.

Dans le temps, on s’est rendu compte, dans les soins chamaniques qu’on propose, que ce qu’on appelle « perte d’âme » peut être la perte de n’importe quelle partie de soi. Par exemple, je peux perdre le lien avec une partie de mon coeur; bien sûr je ne peux pas perdre la moitié de mon coeur, mais je peux perdre le lien avec la moitié de mon coeur, si je perds mon enfant, si je perds mon conjoint ou quelqu’un qui m’est très cher et avec qui j’ai investi beaucoup de mon coeur. Dans la séparation et la confusion, il se peut qu’une partie de moi parte avec. Ça va être une partie de mon coeur et les capacités liées à mon coeur qui vont être éloignées de moi. Par exemple, je vais peut-être perdre la confiance en moi-même, dans mes sentiments, la confiance dans les autres, ou la capacité à m’engager dans une relation ou toute la créativité qui faisait partie de cette part de moi coupée.

F : Peut-on s’en rendre compte soi-même ?

L : Oui, bien sûr, les gens qui souffrent d’une perte de part de soi sont en souffrance en général. Ils ont moins d’intérêt dans la vie, moins d’intérêt dans les relations, ils s’ennuient et ils peuvent développer des pathologies physiques, c’est-à-dire que notre corps physique, qui est vraiment très en lien avec l’âme, va donner des signaux pour dire qu’il faut réparer quelque chose, il faut retrouver ce lien, pour que le corps se sente à nouveau dans son intégrité.

F : Est-ce que ce qu’on appelle les traumatismes sont des pertes d’âme ?

L : Les traumatismes peuvent entraîner des pertes d’âme. Quelqu’un peut être traumatisé au point qu’il est sidéré, anesthésié et qu’il n’a pas la conscience de sa perte d’âme mais les autres autour de lui en sont bien conscients. D’ailleurs, dans les cas graves comme par exemple de personnes mourantes, chez les Peuples Premiers, l’Homme ou la Femme-Médecine va voyager dans les autres mondes, dans les dimensions invisibles, pour aller rechercher cette partie et la ramener à travers l’espace et le temps, négocier avec elle, voir de quoi elle a besoin pour pouvoir revenir et se réassocier au corps du malade.

F : Est-ce qu’aujourd’hui on pratique encore le recouvrement d'âme de cette manière ?

L : Oui, quand il y a une demande appropriée ; l’homme-médecine ou la femme-médecine utilisent cette pratique avec la personne seule, ou bien un groupe entier peut collaborer, par exemple à travers la pratique du « spirit canoé » : tous les membres du groupe voyagent dans la réalité chamanique pour accompagner le thérapeute et aller chercher la partie perdue du malade, la ramener et le thérapeute va alors la lui réinsuffler. Mais le plus souvent, ce sont plusieurs parties qui se sont échappées, comme son souffle de vie, sa joie, son potentiel créatif ...Il faut les ramener aussi, car ils sont associés à cette part perdue.

Et la personne doit ensuite s’occuper de ses parties retrouvées et leur donner une place dans son quotidien...

F : Comment ça fonctionne, un travail de recouvrement d’âme ?

L : Cette pratique que je viens de décrire, comme le spirit canoë par exemple, s’applique aux situations urgentes, quand la personne est en très grande souffrance et que son état nécessite des aides extérieures pour faire ce travail. 

Mais il existe plusieurs façons de procéder.

Il y a une façon plus progressive de travailler : en soin chamanique et à travers toutes sortes d’activités de son quotidien la personne va peu à peu recevoir des soins pour réparer ce lien, cette relation abîmée ou perdue avec cette part d’elle. Ça peut être qu’elle doit faire des deuils, soigner des émotions, ou faire des rituels de réparation pour que vraiment cette partie reste.

Il y a une façon symptomatique de travailler, que les gens dans notre société de consommation veulent à tout prix, c’est de dire : « il me manque ça, s’il vous plaît, ramenez-moi ça ». Certains pratiquent le recouvrement d'âme de cette manière... Pour ma part, je réponds à mes clients : « cette chose n’est pas partie d’un coup, vous n’avez pas eu d’exemple de comment faire autrement, vous êtes nés presque comme ça, donc il faut réparer votre terrain aussi qui a favorisé la perte d’âme ».

Si on ne répare pas ce terrain, si on ne crée pas un nouveau terreau, la partie retrouvée ne va pas rester. On va faire un travail symptomatique, qui peut soulager sur le moment, mais qui n’est pas suffisant pour entretenir la relation et donner une bonne assise à cette part de nous. Avec l'Approche Chamanique de la Thérapie, c’est une autre façon de travailler, on va faire plusieurs soins et la personne aura du travail à faire en plus pour nourrir la relation intime avec cette partie à intégrer.

Puis, une troisième façon, c’est avec laméthode du voyage chamanique, si la personne a appris elle-même à voyager et communiquer avec l’invisible, dans les autres mondes. Elle a rencontré cette part d’elle qui est son Animal Totem, qui la met en lien avec son instinct mais aussi avec son âme. L'animal Totem peut la guider dans ces autres mondes pour aller rencontrer les parts manquantes et réparer le lien avec celles ci.

Par exemple, si elle a perdu une partie de son cœur en tant qu'enfant, elle a perdu la capacité de devenir une femme ou un homme adulte, qui peut avoir une relation adulte... Il se peut qu’elle doive d’abord demander beaucoup de ressources et d’esprits pour la soigner dans sa propre souffrance, pour que cette partie qui lui manque puisse s’approcher d’elle peu à peu. Et il se peut même qu’elle doive résoudre des contrats de compensation, des habitudes de survie, comme par exemple « jamais plus je n’aimerai », « on ne peut jamais faire confiance aux hommes ou aux femmes », « de toutes façons, comme on le dit depuis des générations dans la famille, l’amour, c’est pas fait pour nous » ou « la réussite, c’est pas pour nous ».

Ce genre de choses-là peut être travaillé, c’est vraiment une prise de conscience et de nouveaux choix à instaurer pour faire de la place à cette relation avec son âme. Et ensuite, pouvoir communiquer avec elle : « De quoi tu as besoin ? Qu’est-ce que tu voudrais que je fasse pour que tu restes avec moi ? Qu’as-tu besoin que je fasse dans mon quotidien pour que tu puisses exprimer tes talents ?».

Pour que l’âme puisse amener ses couleurs, sa créativité, elle va peut-être demander d’arrêter des habitudes et des relations néfastes, de faire plus ce qu’on aime et qui fait du bien pour la santé. D’ailleurs beaucoup d’habitudes néfastes, comme les addictions, dépressions sont des symptômes ou des compensations de cette perte d’âme, de cette dissociation.

F : Quand on a fait cette pratique, qu’on a préparé le terrain pour accueillir cette part de soi, en tout cas qu’on a refait ce lien avec son âme, qu’est-ce qui se passe ? A quoi ça ressemble l’âme dans un voyage chamanique ?

L : Ce sont des parts, des aspects de notre âme, ce n’est pas l’ensemble de notre âme qui est perdue ; il ne faut pas croire ça, sinon on ne serait plus là ... Ce sont des aspects soit qui sont partis, soit qui n’ont pas pu vraiment être intégrés. 
S’ils sont coupés suite à un traumatisme, quand on va s’approcher de ces parts-là, souvent la mémoire des chocs va remonter et toutes les compensations qui se sont mises en place et qui font écran avec l’âme ; donc on va devoir les transformer et on ne peut pas le faire seul . lors, on demande beaucoup d’aide et des Esprits Alliés viennent nous aider sous différentes formes. Cela peut être des esprits de la nature, ou des qualités qui nous ont manquées : du soutien, de la protection de la Grand-Mère Terre, si on n’a pas été choyé, et qu'on n’a pas reçu la sécurité pour accueillir notre âme. On va recevoir ce genre de ressources-là, on va lever des schémas qui interfèrent et, peu à peu, cette part oubliée va s’approcher de nous. 
Elle peut avoir un aspect sans forme, comme de la lumière, des couleurs. En tout cas, elle a un lien avec soi et on sent ce que ça fait à l’intérieur de nous. Elle peut aussi prendre forme petit à petit, ça dépend de l’intention qu’on a quand on fait ce travail.

F: Pourquoi est-ce que quelqu’un veut retrouver sa part d’âme ?

L : Il faut avoir une intention, c’est important de la dire. Par exemple : « je veux avoir une relation heureuse », « je veux m’épanouir dans mon travail », « je veux me sentir en bonne santé et heureux dans mon corps ». Cette part d’âme va prendre cet aspect qui nous manque. D’ailleurs, il y a des personnes chez lesquelles on a observé que la perte d’âme (ou de l’image de soi) est dûe à la perte d’un organe ou à l’amputation d’un membre et non à cause de la fin d’une relation importante. Ainsi certains dont on a changé le sang se sont plus sentis pareils et ont eu l’impression d’avoir perdu une partie d’eux-mêmes. Ces patients vont se rendre compte que cette partie dont ils se sentent coupés a aussi un pendant invisible, éthérique qui continue de fonctionner. Si en voyage chamanique ils la contactent, ils sont alors capables de faire le deuil de la partie physique et de retrouver la partie énergétique de ces organes et de ces fonctions.

Donc, ça peut prendre différents aspects. Pour certains, ça prend la forme du coeur, pour d’autres ça prend la forme de quelque chose dont ils sont revêtus, par exemple une nouvelle peau ou un cocon.... Tout d’un coup, ils existent en tant que Homme, Femme, Adulte. Et c’est souvent relié à des talents ou de qualités en lien avec cette part retrouvée.

F : Donc ça va être ça l’effet, on va retrouver quelque chose de soi et quelque chose qui va se réveiller qu'on avait en soi, mais avec laquelle on avait perdu le lien ?

L : Alors, il y a des personnes pour qui cette part est comme inconnue quand elle arrive, c’est-à-dire qu’elle ne devient familière que peu à peu, très doucement parce que c'est comme s’ils ne l'avaient même pas connue depuis leur naissance. Ce lien est là depuis avant la naissance, mais elle n'a pas eu l'occasion d'être vu ou nourri.

Pour d’autres, c'est quelque chose qui s'est arrêté à quatre ou cinq ans, quand on s'est moqué d’eux à l'école en disant : « tes dessins, c'est nul » ou « arrête de faire ça », par exemple. Ca a déclenché de la jalousie ou la colère des parents et ça va couper cet élan et ce lien « enfant » avec cette part de soi « créative », la partie créative de l’âme. Donc, il y a des personnes pour qui c’était déjà là et puis il y en a d'autres pour qui c'était là, mais ça n'a jamais été intégré en fait.

F : Qu’est-ce que tu peux décrire comme effets principaux ?

L : Alors, les premiers effets, souvent, c’est d’avoir en même temps un grand soulagement et en même temps tous les écrans qui nous séparaient de ça qui remontent. C’est-à-dire qu’un recouvrement, qui s'incarne physiquement dans le corps, d’abord c’est un processus, ça se fait comme une gestation ou une greffe d'organe, c’est-à-dire que la chose est là, et il faut le temps qu'elle se greffe et que tout le système qui nous compose se réorganise autour de ça. Je dis toujours : quand vous avez marché toute votre vie avec seulement une jambe en rêvant d'avoir deux jambes pour pouvoir danser, le jour où on vous la greffe, il faut changer la garde-robe, il faut changer les pratiques, il faut changer les amis, il faut changer l'image de soi victime, enfin, il y a plein plein de choses à changer. Les gens ne se rendent pas compte l'impact que ça a, donc il y a en même temps un soulagement et en même temps un phénomène de désintoxication de l’avant qui doit se faire. C’est pour ça que ça a vraiment besoin d’être accompagné et compris, et ça nécessite une réappropriation de cette partie là, comment je la ramène dans mon corps et dans mon quotidien. D’une façon générale, la personne se sent plus entière, d’autant plus si elle est capable d’entretenir le lien à travers des pratiques avec cette partie d’elle.

F : Des pratiques comme le voyage chamanique par exemple ?

L : Oui. Il y a aussi des pratiques du voyage chamanique où c’est quelqu’un d’autre qui va chercher la partie de la personne et qui la lui ramène, mais ça n’aura jamais la même consistance que si la personne est capable de faire tout ce processus elle-même. Et c'est normal que quelqu'un de malade ou d’affaibli ne puisse pas le faire d'emblée lui-même, c'est un parcours, ça se prépare, on soigne le terrain, on apprend à travailler avec des alliés pour pouvoir le faire et ça peut se faire en plusieurs parties. C’est-à-dire que c'est tout à fait possible que la personne ait un suivi par quelqu'un d'autre qui prépare le processus et qu'ensuite elle fasse aussi un trajet en voyage chamanique où elle apprend elle même à aller rencontrer cette partie ou à récupérer encore d'autres parties d'elle. On croit qu’on a une partie qui nous manque mais en fait, au fil des années de pratique, je vois que c’est comme un processus continu : il y a des gros morceaux à récupérermais au fil du temps, on se rend compte qu'on peut toujours retrouver plus de soi-même, plus de ses talents pour les incarner. Ce chemin de recouvrement d’âme est très utile pour continuer de grandir ensuite, même si on n'est pas malade.

F : Est-ce que ce serait quelque chose qui s'adresse à tout le monde et que tout le monde aurait intérêt à faire ?

L : En tout cas, notre société entière souffre de perte d’âme. Nous avons subi l’interdiction d'être en lien direct avec l'invisible dans la nature et à l'intérieur de soi, donc ça a créé une espèce de schisme collectif, qui est resté et même si on n’est pas catholique ou ce genre de choses-là, c’est resté dans la conscience collective. Donc oui, tout le monde a besoin de retrouver le lien avec son âme. Par rapport aux outils à utiliser, ça dépend où se trouve la personne, ce qu’elle est capable de faire. Est-ce qu’elle a besoin de commencer par des soins, si elle est trop affaiblie avant de pouvoir apprendre la méthode du voyage chamanique et savoir faire toutes les étapes elle-même ? Ça, c’est à voir au cas par cas.

C'est important de se rendre compte que nous devons tous, malades ou pas, prendre soin du lien avec notre âme qui nous nourrit en retour. Simplement l’écouter, en se mettant en lien avec notre coeur, par exemple, qui est un endroit privilégié de lien à l’âme, pour sentir s’il est bien habité. Sentir aussi notre corps en entier et faire ce qui le renforce, lui donne de l'énergie et de la créativité. D’ailleurs, la créativité aussi est un signe de lien à l'âme et, par exemple, pratiquer l'art sous toutes ses formes va nourrir le lien à l’âme et à l'invisible en général.

F : Il y a donc des moyens, en dehors du recouvrement d’âme, de nourrir ce lien ?

L : Oui, l’art, le lien à la nature va en miroir résonner dans notre propre nature. Le lien à la terre, jardiner, cultiver, marcher, par exemple, vont entretenir la connexion à l’âme étant donné que ce qu’elle désire avant tout c'est d’être reliée avec un socle physique, matériel qui la soutient.

F : Ça veut dire qu’avoir des relations harmonieuses avec les autres, c'est une façon de nourrir son âme aussi ?

L : En tout cas d'avoir des relations, oui ; qu’elles soient harmonieuses, c'est très subjectif. Peut être que nous ne les jugeons pas harmonieuses mais que, depuis le point de vue de notre âme, ces relations nous incitent à évoluer, à surmonter des défis, à chercher des ressources, à apprendre des choses... La vie nous pousse à grandir et nous aide à développer des talents et à acquérir de nouveaux savoir-faire.

Donc, ce n'est pas juste l’âme qui nous nourrit en s’incarnant : la confrontation avec la vie terrestre va donner envie de développer des potentiels et la nourrir en retour.

L’âme s’enrichit à travers tous les liens que l’on tisse, que ce soit avec la vie, la nature, les autres ou soi-même. Ces liens reflètent où j'en suis. Par exemple, prendre conscience que « Ce n'était pas une bonne décision”, me pousse à essayer autre chose : « Cela a bien marché. Ah tiens, je ne m’en rendais pas compte mais, en fait, j’ai tel talent et je peux contribuer au jardin de la vie ».

D'ailleurs pour l’âme, le travail - que ce soit une activité professionnelle, un hobby, une passion, ou une activité humanitaire - la façon dont elle contribue au monde, est essentielle ! Quand elle s’exprime, elle s'enrichit au travers de l'effet qu'elle a et de notre interaction avec le monde. Sans interaction, il y a peu de croissance... Bien sûr, l'idée c'est de vouloir ensuite équilibrer les relations au travers de ce qu'on apprend de nos expériences.

F : Oui, ce ne sont pas forcément des relations reposantes mais des relations nourrissantes ?

L : Oui, nourrissantes ou stimulantes. Le défi, à travers des pertes d’âme ou des coupures de cet ordre, c'est de voir quelles sont les ressources alliées et les qualités que j'ai besoin d'apprendre afin que ce qui a été une douleur soit transformé en un acquis ou une expérience, ou peut-être même un savoir-faire à partager ensuite avec mon entourage…

F : Finalement, l'âme, c’est un peu notre corps mais dans sa part invisible? Il faudrait entretenir une hygiène de l’âme ?

L : Oui, pour le dire simplement: l’âme est la part invisible de notre corps et de tout notre être ; l’âme et le corps sont liés et il faut nourrir les deux.

F : Juste peut-être pour terminer, qu'est ce que tu as pu constater comme effets pour les personnes qui font ce travail là ?

L : On les perçoit plus présentes, plus consistantes, elles sont tout d'un coup plus visibles. Leurs visages changent, elles sont plus vivantes, plus rayonnantes ; leurs relations s’apaisent aussi et quelque chose se pose à l’intérieur... Ça ne se fait pas en une fois mais dans un processus de travail avec cette part retrouvée. Je vois souvent une richesse et de la créativité qui se développent, leur santé s’améliore et elles se sentent plus soutenues pour entreprendre leurs projets..

Et pour terminer au sujet du lien à l’âme, je voudrais rajouter que la dissociation imposée actuellement dans notre société, qui nous désapproprie de notre santé, de notre autorité personnelle, de notre capacité de décision, c’est un signe de perte d’âme collective qui va en s’aggravant.

Les problèmes écologiques sont directement liés à cette situation. Plus on se dissocie, plus on se sépare de soi et du Vivant autour de soi, plus il y aura de perte d’âme et l’environnement en pâtit, c’est un cercle vicieux.

C’est pourquoi dans cette période que nous vivons, plus que jamais il est essentiel de nourrir les liens de toutes les manières possibles, à l’intérieur de soi comme avec la nature et avec la terre… Et de vraiment bien investir le lien à la terre de notre lieu de vie, par exemple en dialoguant et en remerciant la terre où on habite, même si on vit en appartement, car en dessous il y a cette terre et autour il y a les arbres et la nature qu’elle porte. C'est vital de bien sentir ce lieu, le sien, et cette place qu’on occupe au sein du Vivant.

La vision systémique ancestrale

Qu'est ce que le chamanisme ?

Du point de vue des anthropologues, le terme « chamanisme » désigne la façon dont les différents peuples collaborent avec le Vivant, dans la nature, pour assurer leur survie et leur développement et pour nourrir les interactions sociales dans leur communauté.

Dans la vision chamanique ancienne, tout est infusé par une conscience nommée « esprit » qui interagit avec l’environnement et avec son intelligence pour favoriser une meilleure organisation collective et l’équilibre de tous les systèmes. Les peuples premiers avaient l'habitude de s’adresser non seulement à la Nature, partie visible du Vivant, mais aussi à sa dimension invisible, c’est-à-dire à son esprit.

Le mystère et la magie du développement de la vie à travers la nature ont toujours intrigué l'être humain ; conscient que sa vie et son développement dépendaient de l’interdépendance des liens entre tout, il se sentait faire partie de ce Grand Tout.

Dans le chamanisme, pourquoi se connecte-t-on à la nature ?

Dans la vision chamanique, la nature a toujours eu une place importante : l’homme était conscient qu’elle est animée, comme lui-même, d’une certaine intelligence et il avait cette conviction vécue, que la terre et la nature nous nourrissent et nous portent d’autant mieux que nous sommes en accord avec elles.

De plus, la nature représente la famille élargie : la terre est notre grand-mère, le soleil est notre grand-père, les plantes nourricières sont nos sœurs ; c'est une réalité tangible puisque nous respirons tous les jours de l'oxygène qui est exhalé par les plantes.

Grâce à cette conscience et à sa collaboration avec le vivant, l'être humain, en résonnance avec l’environnement autour de lui peut alors révéler sa propre nature…une marche dans la forêt permet une communication avec la vie autour de soi et peut ainsi apporter une forme de guérison. L'immersion dans la nature permet aussi de recevoir des messages ou des indications par rapport à des difficultés rencontrées au quotidien pour notre santé, ou pour notre organisation de vie... Nous sommes enseignés par la nature : elle nous aide à évoluer, elle nous révèle et nous soigne, elle est donc essentielle à notre devenir.

Il semble que l’on souffre aujourd’hui de déconnexion, tu parles de dissociation : tu peux nous expliquer ?

Dans cette vision tout est interrelié par une grande toile intelligente. Cette interrelation est maintenant reconnue et révélée par la physique quantique : une action qui est accomplie à distance a un impact sur le champ invisible collectif ; il est par conséquent nécessaire de nourrir ces liens pour qu'ils soient actifs et opérationnels de manière positive… comparativement à une fréquence radio, si vous n’appuyez pas sur le bouton de mise en marche pour l’activer et que vous n’écoutez pas, alors vous ne percevrez pas sa présence.

Et donc si on n’est pas conscient de ces liens ou si on s'en éloigne, cela crée une forme de dissociation, non seulement avec le monde extérieur mais aussi- en miroir- avec des fonctions corporelles à l'intérieur de nous. En tant qu’être humain, on fait partie de cette toile intelligente … mes organes, ma physiologie, mon métabolisme reflètent aussi la qualité de tous ces liens avec l’environnement, qu'ils soient actifs ou pas. Si on s’en déconnecte, on ne va pas nourrir certaines fonctions ni dans notre propre corps, ni dans notre mode relationnel, ni dans notre fonctionnement de vie. Ces dissociations vont alors générer des désordres organiques et psychiques : - dépression, perte de sens, maladies auto-immunes- et des problèmes sociétaux comme les abus d’autorité, des dysfonctionnements dans la communication et dans la gestion de l’énergie, mais aussi des perturbations écologiques.

Cette dissociation a été grandement favorisée dans notre passé par l’Inquisition : il était à cette époque interdit, sous peine de mort, d'être en lien avec la nature et avec cette intelligence de l’invisible et de ses ressources.

Aujourd’hui, la société de consommation nous pousse à oublier les liens naturels avec la grande Toile du Vivant, dès lors, cette dissociation s’auto-alimente. Nous sommes actuellement à un tournant, marqué par le besoin de nous reconnecter avec l'esprit du vivant autour de nous et avec ses richesses comme avec notre propre bon sens.

Pour réparer cette dissociation, l’humain a une capacité merveilleuse, celle d’activer des liens par sa présence attentive, par sa conscience et par son intention, en vue de recréer la communication non seulement avec le vivant, mais aussi avec son propre espace intérieur.

Les prières faites sur l’eau en sont un exemple : le chercheur Masaru Emoto a démontré que les cristaux d'eau gelée changent de structure selon la conscience et l'intention placées sur cette eau. Il en est de même pour tous les liens oubliés qui peuvent être réactivés …
le câblage à l'intérieur de notre cerveau est toujours opérant et dans notre corps,
l'intelligence instinctive reste disponible, il suffit de la réveiller.

Comment se reconnecte t’-on à la nature ?

Par la capacité magique naturelle de notre conscience : c’est-à-dire par notre intention et par notre motivation à écouter la nature…cela va créer une sorte de canal ouvert à l’environnement : donc simplement, -comme le font les peuples premiers- notre observation et notre présence vont produire une résonance à l'intérieur de nous… exactement comme lorsqu’on fait de la cohérence cardiaque et que cela harmonise les autres rythmes cardiaques autour de nous.

La transe ou le voyage chamanique constituent une autre façon de communiquer avec la nature. Ainsi, on peut, en étant en état de conscience élargi, communiquer véritablement avec les esprits de la nature, par exemple en étant présent suffisamment longtemps dans la nature avec une intention comme on le fait lors des quêtes de vision.

Qu'est ce que la vision chamanique peut nous enseigner ?

Cette vision globale chamanique offre une autre lecture des phénomènes sociaux et culturels : elle accorde en-effet une attention spéciale aux dysfonctionnements et repère les liens qui ont été coupés dans cette toile respirante du Vivant : connaissances oubliées, principes vitaux non respectés… Par exemple les peuples premiers adoptaient cette démarche pour diagnostiquer les causes des déséquilibres physiques, personnels ou collectifs, ainsi que l’origine d'une absence de récolte. Ainsi, ils se posaient cette question : qu’est ce qui n’a pas été intégré, honoré, nourri dans ces liens à la toile de la vie ?

Dans l’histoire collective, dès qu’une civilisation se distancie, pour une raison ou pour une autre, de ses racines culturelles, traditionnelles ou spirituelles en lien avec la nature, on voit émerger des dysharmonies dans les groupes sociaux : pertes de sens, abus de pouvoir…

En-effet, quand l’humain n’investit plus son pouvoir naturel et n’occupe plus sa place au sein de la nature, apparaissent des comportements déviants : l’exemple de la coca, une plante initiatique d’Amérique du Sud, l’illustre assez bien : cette plante qui était au service d’une méthode sacrée de guérison, utilisée par les guérisseurs de l'époque, a été détournée de son usage premier ; car aujourd’hui la plante de coca, au lieu d’être dévolue au soin, est devenue une substance toxique et addictive sur laquelle l’autorité a été récupérée par les cartels de la drogue.

Ainsi, quant un peuple perd ses racines, les conséquences de la dissociation d’avec la nature peuvent se répandre plus loin que l’on peut le penser et pénétrer toutes les strates de la vie en société.

Quel est le regard chamanique sur les maladies engendrées par ces dissociations ?

Plus le lien avec la nature se distend, plus le lien avec notre propre nature se distend aussi. Aujourd’hui, cela génère desmaladies auto-immunes. 

C'est notre nature en tant qu'être humain de nous développer au sein du vivant, de révéler nos talents et de contribuer à l’harmonie autour de nous. Or la société actuelle nous coupe de la réalité naturelle : on vit alors comme une plante hors sol enfermée dans une serre et, dans notre métabolisme, certaines fonctions perdent leurs liens avec notre nature saine. Ces liens représentent les défenses immunitaires qui veillent normalement à la cohésion avec notre identité, notre nature profonde. Si nous nous coupons de cette dernière, alors nos défenses immunitaires ne nous reconnaissent plus et elles commencent à lutter contre ce corps qui ne ressemble plus à qui on est vraiment.

L’objectif des soins chamaniques est de réparer ces liens naturels et de retrouver les principes manquants à intégrer ; puisqu’il y a cette distanciation entre le corps et sa pathologie et les cellules souches de la personne (cellules de la moelle osseuse, du thymus, etc.), celles-ci doivent être réactivées. Pour y parvenir, on se relie aux ressources naturelles et on sort notre conscience de l’oubli ; on se souvient alors de sa propre nature et on s’y réinstalle.

La dissociation est un phénomène individuel ou collectif qui produit parfois du chaos comme des épidémies ou les catastrophes naturelles. De même les comportements humains qui entrainent la pollution de l’air et de l’eau aggravent les terrains propices aux maladies et séparent encore davantage du Vivant.

Comment recréer les liens, les points de ré-enracinement ? Les lieux de vie sont-ils importants dans ton enseignement, peux tu nous en dire plus ?

Effectivement, il est important que l’on puisse investir pleinement le lieu où l’on vit. C'est d’ailleurs le premier point dans la vision chamanique : comment j’habite l’endroit où je suis, comment je peux recréer un lien sain avec la terre de mon lieu de vie. En termes chamaniques, on parle du retour à la matrice de vie naturelle : c’est ce lien avec notre Mère, avec notre Grand-Mère, avec la terre de chez nous. Il est essentiel que l'on puisse retisser ces liens en étant attentif à la terre, en la nourrissant, en lui donnant des offrandes ou en la décorant : autant de façons de l’accueillir et de l’honorer pour se mettre en résonance avec elle et avec la nature environnante.

A titre d’exemple, la présence de grands arbres, très anciens, va réveiller en soi cette capacité d’être présent, de s'enraciner et de se déployer à nouveau. Nourrir ces liens, c'est aussi une façon de se sentir à sa place dans la vie en général, de se sentir légitime et de pouvoir mieux concrétiser des projets de façon durable. Ces liens se tissent depuis la terre de notre lieu de vie ; notre corps est nourri par ces échanges et en retour il contribue à la richesse de la terre.

Tu veux dire que le corps c’est notre terre à nous ?

La première terre pour notre conscience, pour notre âme, c'est notre corps. La deuxième terre c'est la matrice utérine de notre mère qui contient beaucoup de mémoires souvent abîmées ou des dissociations transmises depuis des générations ; pour l'inconscient, ce terreau crée la représentation qu’on a de la vie, or si celle ci est dissociée à ce moment-là, on va garder en soi cette information qui va filtrer notre perception de la réalité.

La façon dont on est accueilli à la naissance va également déterminer les repères de notre lien à la vie et à la terre. A partir de là, l'inconscient va répéter les schémas de comportement qui lui ont été montrés. Cependant, cette réalité n’est pas définitive car on peut tout à fait la réparer : il est toujours possible de réinvestir de nouveaux liens avec le vivant. On est câblé naturellement pour ça car on fait partie de la grande toile de la vie.

Tu parlais des problèmes systémiques de nos sociétés qui sont dissociées… le fait que chacun s'investisse dans un travail de reconnexion a t-il un effet sur le collectif ?

Tout à fait. C'est un cercle vertueux. La reconnexion est un mouvement naturel issu directement de la vie. Il n'y a rien à fabriquer, il faut juste la retrouver en s'appuyant sur l'intelligence active de la terre, de la nature et de la vie elle-même. Par résonance, ce mouvement va se démultiplier et plus on est nombreux à le faire, plus dans la mémoire collective, on va permettre une bascule. On a pu déjà l’observer dans certains champs collectifs : quand des singes, sur une île, parviennent à laver leur nourriture, au bout d'un certain temps, des singes présents sur une autre île et avec lesquels ils n’ont aucun lien vont le faire aussi. De même pour les humains : lorsqu’on est nombreux à se reconnecter au Vivant, cela crée un effet boule de neige qui revient dans la conscience collective.

Il est important de retrouver ce lien et l'autorité qui en découle avec ce sens premier : « être auteur de », « responsable de ». Il importe aussi de prendre conscience du pouvoir magique humain naturel que nous possédons. Nous n'avons pas besoin de devenir guérisseurs ou chamans pour cela. Il nous faut avant tout devenir un être humain en bonne santé, doué de ses capacités d'instinct et de collaboration avec la Vie. Il est urgent de se rendre compte que nous avons ce pouvoir et que nous seuls pouvons le réveiller. Si nous ne le faisons pas, des événements extérieurs, des autorités déviantes, des abus de pouvoir, nous montreront que notre pouvoir personnel n'est pas encore correctement investi et que nous leur laissons une place vacante.

Retrouver les liens avec le vivant est finalement quelque chose de simple. Pas besoin de devenir chaman pour cela?

Cette idée exotique du chamanisme fait partie du phénomène actuel des dissociations collectives : on croit que si l’on retrouve un peu d'instinct et des capteurs ouverts sur le vivant, alors on peut devenir chaman. Ceci n’est pas exact car la vision chamanique nous incite à développer l’harmonie là où l’on vit plutôt que d’utiliser des pratiques d’ailleurs. 

Pour être qualifié de chaman et avant d’utiliser cette appellation, il serait bon de demander à des chamans de Sibérie comment on le devient. En général dans les cultures où ce lien au chamanisme est encore fort on trouve des personnes qui ont développé leurs capacités de porte-parole avec l'intelligence de la nature pour contribuer au bien-être de leur tribu ; pour autant, ils se proclament rarement chamans. C'est la tribu qui les reconnaît ainsi grâce à leurs actions et à leur médecine. L’idée n’est pas qu’on devienne tous « chamans » mais qu'on redevienne des êtres humains avec tous nos potentiels de communication et de collaboration avec le vivant.

Comment chacun d'entre nous peut concrètement recréer des liens au vivant ?

Pour nourrir ces liens ou pour prendre conscience de la dissociation et de quelles ressources on a besoin, on peut déjà, par exemple, créer un “espace de reliance » comme un autel sur lequel on représente les ressources de la nature, l'esprit de notre lieu de vie avec son intelligence et ses qualités, notre intention et notre âme. Puis on sent comment tous ces éléments sont reliés et s’ils s'harmonisent…on peut faire vivre cet autel en le modifiant et en l'enrichissant selon l’intention et les ressentis du moment.

Les constellations chamaniques sont autre manière de se relier, ce sont des formes de rituels de mise en représentation d'une situation que l'on souhaite soigner. Elles différent des constellations familiales classiques en incluant une vision plus large : en effet, dans la vision chamanique, on perçoit la Famille comme étant beaucoup plus vaste que celle identifiée de notre point de vue humain car elle inclut la nature, la terre dans toutes ses dimensions visibles et invisibles, ainsi que notre âme.

En constellation chamanique, pour comprendre une situation bloquée, on représente (avec d'autres personnes ou avec des objets) la terre, la vie, nos ancêtres, notre âme... et on inclut la ressource manquante dans l'ensemble du système. Cette ressource alliée permet de retrouver et nourrir la respiration vitale entre toutes les parties de l'ensemble, et de les réunifier autour d’une intention commune, dans une même direction.

Quelle est la qualité que la nature vient m’enseigner ?
Quels sont les écrans, les blocages, les couches d'oublis qu'elle vient lever chez moi ?
Et comment je peux intégrer cette nouvelle ressource ?
Est-ce en la respirant, en me mettant en résonance avec elle ou en communiquant avec elle en voyage chamanique ?
Comment je peux transposer cela de façon concrète dans ma vie afin que la ressource s’intègre dans mon corps, dans ma mémoire pour réaliser mon intention ? »

On peut aussi faire ce rituel dans la nature en posant la question : que me manque-t-il ? Jusqu’à ce que l'on sente comment la nature nous interpelle, comment elle nous nourrit et quelles qualités elle vient nous enseigner.

Cette vision ancestrale et moderne à la fois nous permet de prendre pleinement notre place dans la vie et d'y contribuer en retour, retrouvant notre rôle de gardien collaborateur du Vivant.

L’Esprit de l’Entreprise : co-créer des entreprises heureuses en étant inspiré !

Rencontre avec Liliane van der Velde
Interview de Claire Eggermont pour Sacrée Planète

Liliane van der Velde est la fondatrice de l'école Nature Conscience et Chamanisme. Initiée au voyage chamanique en 1983 par Michael Harner, elle transmet depuis trente ans la vision ancestrale systémique, selon laquelle tout est inter-relié et animé par une intelligence créatrice.

Depuis quelques années, elle accompagne professionnels et entreprises dans un travail de reliance avec l’esprit de leur organisation et de leurs projets, afin qu’ils puissent retrouver du sens, s’épanouir et contribuer au mieux à l’évolution collective.

Sacrée Planète : Vous proposez aux professionnels et entreprises un travail en constellation systémique ou en voyage chamanique afin de pouvoir se relier et coopérer avec l’esprit sous-jacent de leur projet. Comment en êtes-vous venue à développer ces outils ?

Liliane van der Velde : Enfant, depuis mon lien à la nature, j’ai vécu une expérience forte de la souffrance humaine et ai eu très vite la vocation de contribuer à l’atténuer. Je me suis d’abord orientée dans la médecine classique avant de me rendre compte qu’elle était inadaptée à soigner la perte de sens dont souffrent tant d’humains aujourd’hui.

Je suis partie aux Etats-Unis où j’ai rencontré les Indiens Hopis et ai été initiée par Michael Harner au voyage chamanique, une méthode ancestrale qui permet de communiquer avec la dimension invisible qui anime tout ce qui vit. Grâce à cette rencontre, j’ai expérimenté que tout ce qui existe est énergie, ou, plus précisément, est fait de champs d’énergie. Les champs sont, au sens profond du terme, l’essence de la matière. Il s’agit de structures invisibles, douées d’intelligence, de mémoire et de conscience, que les chamanes appellent « esprits » et que certains scientifiques reconnaissent aujourd’hui sous le nom de « champs quantiques », « morphiques » ou « morphogénétiques ».

J’ai découvert qu’un grand nombre de blocages et maladies naissent de la perte de lien avec ces « esprits », principes de vie et d’évolution, et aussi et surtout qu’on pouvait entrer en communication avec eux, rencontrer leurs qualités, leurs fonctions, leur langage, etc. 
Ceci a été prouvé par le Docteur Gary Schwartz. Il a démontré que toute chose est entourée et ordonnée par une intelligence contenue dans les champs morphogénétiques. Si on les sollicite dans une intention bienveillante, ces champs ou esprits peuvent devenir nos alliés et collaborer avec nous.

A partir de ces prises de conscience, j’ai développé une autre façon de soigner, que j’ai appelée l’ «Approche Chamanique de la Thérapie » ACT, basée sur la reliance à ces champs alliés de guérison. Parmi les personnes qui venaient me consulter, énormément souffraient dans leur travail ou se questionnaient sur une réorientation. Il y a huit ans, en faisant un voyage chamanique pour un directeur qui était dans ce cas,  j’ai rencontré pour la première fois l’esprit d’une entreprise. Quelle surprise ! Cet esprit avait des choses à raconter sur ce qui ne fonctionnait pas dans l’entreprise, sur ses besoins. Il montrait comment les humains l’abîmaient et ne connaissaient plus sa véritable fonction, son potentiel... Tout ce qu’il me disait a été confirmé ensuite par ce directeur.

C’est comme cela que j’ai commencé à développer des outils spécifiques pour se relier aux esprits des entreprises. Cette relation retrouvée permet aux humains de retrouver leur place et du sens au sein de leur organisation et de contribuer au mieux au monde auquel ils appartiennent.

S. P. : Au regard de votre expérience, quelle est aujourd’hui votre vision de l’entreprise ?

L. vdV: Mon expérience m’a appris que l’univers est intelligent et cherche toujours à faire se rencontrer différents champs vibratoires, afin qu’ils collaborent et fassent grandir le Tout. L’entreprise ne fait pas exception : elle est un organisme vivant, évolutif, qui a été généré par une convergence de champs et de circonstances. Dans un contexte particulier, des besoins émergent et l’univers essaie d’y répondre au travers de la créativité certains individus et de leur rencontre. L’esprit qui naît de cet ensemble est suffisamment fort pour que l’entreprise prenne forme. C’est une énergie puissante qui se manifeste afin de répondre aux besoins d’une société, et, en même temps, de permettre aux collaborateurs du projet d’exprimer leur potentiel. La situation idéale est que le sens de l’entreprise soutienne l’expression du sens personnel des collaborateurs et vice versa.

Les entreprises ont ainsi un rôle déterminant à jouer, pas seulement au niveau économique : celui de contribuer au mieux à l’évolution collective. En tous cas, c’est ce qu’elles devraient être, mais cela a été dévié dans notre société sur-matérialiste et hyperspécialisée, qui a perdu toute vision d’ensemble et lien avec le vivant. On constate alors dans un grand nombre d’entreprises un manque de motivation et d’énergie, de l’absentéisme, des malaises, des maladies, de la dépression, etc. qui viennent du fait que le lien avec le but, la raison d’être du projet, a été coupé. L’équipe s’est éloignée de la source, au point de ne plus savoir ce qui la fédère et ce pourquoi elle travaille.

S.P. : Pouvez-vous nous préciser de quoi est fait l’esprit d’une entreprise ?

L. vdV : L’esprit d’une entreprise ou d’un projet nait dans un contexte particulier, qui est son « terrain », pour répondre à un besoin ou pour apporter plus de richesse ou d’évolution dans ce contexte. Cet esprit se fonde aussi dans la rencontre avec les fondateurs. Il comprend son histoire, son identité, sa personnalité, ses intentions et ses valeurs particulières. Comme toute chose, il naît de l’invisible au départ, d’une force créatrice, qui se matérialise ensuite au travers des humains et de leurs projets. Comme tout champ quantique, il est une sorte de mémoire, d’intelligence et il évolue grâce aux autres champs avec lesquels il entre en interaction : le contexte historique, les fondateurs, les différents collaborateurs, la localité, les clients, etc.
Pour certaines entreprises, cela comprend aussi un idéal, un langage ou une communication qui leur sont propres.

On peut distinguer l’esprit spécifique à une entreprise et l’esprit global d’une profession : tout comme un arbre a des branches, des feuilles, des fleurs et des fruits différents, mais reliés par le même tronc, chaque projet a un esprit spécifique qui doit être en accord avec le tronc commun.

L'esprit de l'Entreprise

Ce qu’il faut savoir c’est que plus on fait appel à lui, plus il grandit. C’est comme une force qui s’amplifie et qui va soutenir le développement de l'entreprise. A contrario, quand il ne reçoit pas d’attention, il s’étiole et cela engendrera une baisse de motivation de l’équipe et une perte de clientèle. L’esprit, s’il n’est pas considéré, peut même quitter l’entreprise et partir se réaliser ailleurs !

S.P. : En quoi la reliance à leur esprit peut-elle aider les entreprises aujourd’hui ?

L. vdV: La perte de sens au travail et la dépression qui s’en suit touchent tous les secteurs d’activité et sont de vraies maladies de civilisation. Elles provoquent évidemment une baisse d’efficacité, voire une menace sur la durabilité des entreprises qui ont dégénéré par rapport à leur sens premier. Je propose aux professionnels que j’accompagne de se relier à l’esprit de leur entreprise, car c’est lui qui donne l’énergie et son sens au travail, autant en terme de direction-orientation qu’en terme d’intention ou philosophie. Il est intéressant de bien le connaître et de coopérer avec lui pour pouvoir lui donner la forme et le cadre adéquats.

On cherchera par exemple à savoir si l’esprit du projet est en cohérence avec celui de la région, du pays, des clients, avec les valeurs ou capacités des collaborateurs, etc. afin de pouvoir faire converger au mieux tous les paramètres de réussite du projet. C’est un vrai partenaire sur lequel s’appuyer. Il signale les nœuds et les incohérences mais aussi les potentiels et ressources inexploités. Se relier à lui insuffle l’inspiration et la créativité, apporte cohérence internes, stimule l’efficacité et la vitalité de l’entreprise. Ceci augmente également le flux d’échanges positifs avec les partenaires externes.

Dans ce travail, de nombreux blocages disparaissent d’eux-mêmes. Ils naissent souvent du fait de s’être éloignés de cette intelligence. En s’y reconnectant au travers de voyages chamaniques ou de constellations systémiques, les personnes trouvent d’elles-mêmes, facilement et rapidement, des solutions bénéfiques pour chacune des parties.

S.P. : Pouvez-vous nous parler de la spécificité du travail de constellations que vous enseignez ?

L. vdV: L’un des premiers principes chamaniques est que tout effet visible n’est que la matérialisation d’intentions émergeant de la sphère invisible. Pour générer un résultat, il faut donc travailler à la source, c'est-à-dire sur l’origine des différentes dynamiques. Selon cette approche, les constellations d’entreprise permettent de percevoir et de modifier les dynamiques sous-jacentes d’une situation professionnelle. Elles montrent ce qui se joue au fond dans une entreprise : quels sont les rapports entre les services ou entre les différents niveaux de management, les interactions entre l’entreprise, les produits, les clients et les points de vue, et surtout la présence possible de potentiels non utilisés dans le système.

La spécificité de mon travail est de toujours ajouter l’Esprit de l’entreprise ou du projet dans la constellation, afin de vérifier s’il est reconnu et en phase avec les autres forces en jeu. Sa présence permet de stimuler l’intelligence et la créativité, mais révèle aussi les incohérences et les nœuds dans le système.

S.P. : Concrètement, comment se déroule une constellation professionnelle ?

Il s’agit de mettre en scène une situation professionnelle en demandant aux personnes présentes de jouer un rôle et d’exprimer ce qu’elles ressentent à cette place.
Prenons un exemple concret. Un professionnel me sollicite afin de savoir comment optimiser les chances de réussite de l’un de ses projets. Avec mon aide, il clarifie quels sont les éléments concernés par sa question (personnes, fonctions, concepts, etc.) : le  responsable de projet, le directeur, le donneur d’ordre, les clients, le but du projet... Ces différents éléments sont alors représentés par des objets symboliques, feuilles de papier ou des personnes présentes choisies « au hasard » par le consultant. C’est la mise en constellation de la situation. Cette mise en représentation mobilise l'intelligence innée du corps physique qui sait instinctivement où et comment se positionner pour sa survie et l'adaptation au contexte. Cette configuration dans l’espace permet de percevoir les interactions entre les différents éléments du système : certains des acteurs se positionnent naturellement proches l’un de l’autre, d’autres éloignés, certains se tournent spontanément le dos, d’autres s’affrontent, certains se sentent en paix, d’autres épuisés... Chacun de ces signes montre les dynamiques en jeu dans la réalité et révèle les liens, les obstacles et possibilités du système.
En modifiant les positions des « acteurs », en rajoutant des éléments manquants, parfois en clarifiant les relations entre les éléments, on peut regarder quelles solutions seraient appropriées pour le thème abordé. Les bonnes solutions sont évidentes : elles apportent force et vitalité à l’ensemble du système et de nouveaux points de vue au professionnel demandeur. C’est gagnant-gagnant pour toutes les parties qui peuvent à nouveau collaborer et contribuer à l’enrichissement de chacun.

On expérimente ainsi que c’est au contact de l’esprit de l’entreprise qu’émergent les idées les plus créatives de noms, de slogans, de communication, qui révèlent et illustrent son sens. On peut également réaliser une constellation pour confronter à l’esprit de l’entreprise des choix à faire en terme de projets, d’investissements, de stratégies, de recrutement, de lieux d’implantation, etc. et percevoir s’ils sont en cohérence et s’ils se renforcent mutuellement. Lors de grands changements au sein d’une entreprise, une constellation peut également permettre de voir ce qui est réaliste par rapport aux moyens de chacune des personnes ou services concernés.

S.P. : L’esprit d’une entreprise tend-il toujours à ramener plus d’harmonie et de coopération ?

L. vdV: Bien sûr, il peut révéler aussi les incohérences dans le système ! Il arrive que des personnes quittent l’entreprise après  ce travail, surtout quand il apparaît  clairement qu’elles ne sont pas à la bonne place ou pas en accord avec l’Esprit de l’Entreprise !

Dès lors que nous nous remettons à l’écoute des mouvements naturels qui sous-tendent la vie, nous nous rendons compte que tous les systèmes veulent naturellement collaborer, échanger entre eux pour révéler leur potentiel et évoluer pour améliorer le Tout. Ils sont inter-reliés et conscients les uns des autres. Ainsi, l’univers est coopératif, et recherche la croissance, la création et l’harmonie. De ce point de vue, il n'y a pas de conflit, mais seulement des liens ou des capacités oubliés. J’ai pu expérimenter maintes fois ces dernières années comme la reconnaissance mutuelle de deux esprits d’entreprise peut être fructueuse. Prenons l’exemple d’un professionnel qui respecte l’Esprit de sa propre entreprise et apprend à connaître l’Esprit de l’entreprise de son client. Ce dernier lui montre ce dont il a besoin et comment y répondre. Et cela enclenche pour ces deux systèmes une façon bienveillante et directe de collaborer à partir d’une compréhension commune. 

S. P. : Ces outils sont-ils adaptés à toute entreprise ? Ne peuvent-ils pas être « récupérés » à des fins commerciales ?

L. vdV: Bien sûr, c’est d’ailleurs une approche très prisée pour le marketing. Les entreprises qui fabriquent de faux besoins pour vendre leurs produits dans un but d’enrichissement anti écologique  n’ont pas  d’intérêt commercial à faire ce travail en profondeur. Elles sont néanmoins le symptôme systémique de manques et besoins non reconnus de la société, de l’oubli de certains principes vitaux. Et ces places vides sont récupérées par ceux qui veulent en tirer profits au lieu de les soigner.

Il serait intéressant de travailler justement sur les manques et incohérences de la société que cherche à révéler l’esprit de ces entreprises là… mais alors, quand ces manquent seraient reconnus et soignés, ces entreprises perdraient leur raison d’être…

Garry Schwartz

Professeur américain de psychologie, neurologie,  psychiatrie et chirurgie à l’Université d’Arizona, Gary Schwartz est un chercheur émérite reconnu par ses pairs. Il a réalisé des travaux scientifiques remarquables pour montrer l’existence de l’âme, des esprits et de l’Esprit. Pour lui, les esprits collaborent bien volontiers avec l’humanité pour expliquer et répliquer en laboratoire les phénomènes extraordinaires ! Dans son livre  The G.O.D. Experiments, il montre qu’il y a de très fortes raisons de penser qu’au-delà de ce que nous  vivons comme étant de la matière, de l’énergie, et même de l’information, se trouve l’existence d’une intelligence consciente qui infiltre tout, une intelligence « matrice » de tout l’univers. Pour synthétiser les qualités de ce processus intelligent animant l’univers,  Garry Schwartz utilise l’acronyme G.O.D.: G pour Guiding, force qui Guide, O pour Organizing, conscience qui organise, et D pour Designing : Esprit qui crée, dans une intention précise.

Schwartz indique qu’il est indispensable de contacter ce champ d’intelligence universel, présent constamment tout autour de nous, pour lui demander conseil et aide.

Schwartz a créé des protocoles de recherche précis dont un dispositif appelé « soul phone » (téléphone de l’âme) qui permet aux esprits de signaler leur présence, de réaliser des opérations élémentaires (augmenter l’intensité et modifier la structure d’onde de rayonnements électromagnétiques), et même d’apprendre à répondre par oui ou par non. 

The Sacred Promise, 2011